Une préoccupation croissante à l'approche du Ramadan

À quelques jours du début du Ramadan et du Carême, la flambée des prix des denrées alimentaires pèse lourdement sur les ménages sénégalais. Les produits de première nécessité tels que le riz, l’huile, le sucre ou encore la viande connaissent souvent une hausse notable, plongeant une partie de la population dans l'inquiétude. Entre résignation et colère, certains citoyens expriment leurs difficultés, tandis que d'autres préfèrent garder le silence face à la situation.
Il est 14h30. La prière du vendredi vient de s'achever. L'équipe d'enquête saisit ce moment pour recueillir des témoignages sur la flambée des prix à l'approche du Ramadan, une période où la pression sur le panier de la ménagère se fait particulièrement sentir. En effet, cette flambée des coûts semble alimenter les inquiétudes des clients comme des commerçants. "Le sac de riz parfumé qui coûtait 13 000 FCFA il y a quelques mois est aujourd'hui vendu à 15 000 FCFA", explique Ndong, tenancière d’une gargote au marché de Grand-Dakar. Le prix du bidon d’huile de vingt litres est presque à 22 000 FCFA.
"Nous, commerçants, sommes pris entre les fournisseurs et les clients. On nous accuse de spéculer, mais nous subissons aussi cette hausse", se défend-elle. Pour Ndong, la responsabilité ne revient pas uniquement aux commerçants. "Tout commence chez le grossiste. S’il augmente ses prix, nous sommes obligés de suivre." Cette déclaration reflète un sentiment de frustration parmi les marchands, coincés dans un système où chaque maillon de la chaîne est touché par l'inflation.
Awa, une habituée du marché, se plaint de la hausse des prix des œufs et du pain. "Je ne fais pas souvent les courses, mais le matin, quand je vais acheter des œufs, je ressens la différence. Maintenant, un œuf coûte 150 francs, et la palette est à 3 500 francs au marché. Ce n'est pas normal. Avec le Ramadan qui approche, je pense que les prix vont encore augmenter," déplore-t-elle.
Un peu plus loin, au quartier Niary Tally, les détaillants en boutiques soutiennent les propos de Ndong : "Le kilo de riz parfumé est à 600 FCFA. Ce n'est pas de notre faute, c'est notre fournisseur. Nous nous approvisionnons chez lui. Quand il augmente les prix, nous augmentons aussi, et lorsqu'il baisse, nous faisons de même. Ce n'est pas nous, c'est lui", insiste Abdou Rahim, propriétaire de la boutique.
Un silence révélateur
Toutefois, si certains ont accepté de témoigner, beaucoup ont préféré ne pas s'exprimer sur la situation. Plusieurs commerçants et clients interrogés ont refusé de parler, invoquant la peur des représailles ou simplement le manque de solutions à proposer. "Nous sommes fatigués, mais parler ne changera rien. Ces prix ont augmenté depuis longtemps, ce n’est pas maintenant," confie discrètement un boucher au marché de Grand-Dakar.
Ce silence en dit long sur la lassitude générale et le sentiment d'impuissance face à une crise économique qui dure. Mais juste à côté de lui, son collègue dénonce une situation préoccupante : "Mon fournisseur me fait désormais le kilo de viande à 3 700 francs. Je suis contraint de vendre à 4 000 FCFA le kilo de viande avec os et à 4 500 FCFA sans os pour pouvoir réaliser un petit bénéfice. Le Ramadan approche, vous savez combien les chefs de famille doivent dépenser... C’est mon métier, on n’a pas le choix, il faut bien qu’on gagne quelque chose", confie-t-il avec fermeté, tout en insistant sur son souhait de rester anonyme.
Les explications du président de l’Association des boutiquiers détaillants
Joint au téléphone par EnQuête, le président de l'Association des boutiquiers détaillants, Aliou Ba, a apporté quelques précisions sur la question. Selon lui, cette situation s'explique par le fait que certains produits ne sont pas homologués. "En réalité, au Sénégal, seuls l'huile, le sucre, le riz et le pain sont homologués", explique-t-il. Autrement dit, ce sont uniquement ces produits pour lesquels l'État a fixé une marge bénéficiaire réglementée.
Pour les autres produits, les prix restent soumis à la libre concurrence. "Pour le sucre, il y a une très bonne disponibilité et je crois que c’est pourquoi le prix n’a pas bougé. Le prix du riz cassé non parfumé reste le même. (…) Le riz parfumé est à 600 FCFA le kilo parce qu’il n’est pas homologué, ce qui n’est pas le cas du riz brisé non parfumé. L'État avait fixé le prix à 410 FCFA. Maintenant, il y a des gens qui le vendent à 375 FCFA, voire même 350 FCFA parce qu'il y a une baisse au niveau du grossiste", a-t-il précisé.
Toutefois, il reconnaît : "Il y a une petite hausse sur le prix de l'huile et ça, depuis presque trois mois, l'État a communiqué là-dessus pour dire qu'il y aura une petite hausse." Il souligne qu’hormis ces produits, tous les autres de libre-échange, c'est-à-dire qu'on les vend selon le prix d’achat. Ainsi, il renchérit : "On a un seul problème sur les prix homologués et c'est celui de l'huile, qui a été fixée à 19 000 FCFA. L’État avait dit qu'avec les coûts mondiaux, le prix de l’huile devait connaître une hausse qui est passée de 19 000 FCFA à 21 500 FCFA", a-t-il indiqué.
Selon lui, dans quelques jours, les consommateurs et revendeurs pourraient se retrouver dans l'incertitude, à moins que des mesures concrètes ne soient prises pour stabiliser les prix des denrées de première nécessité. Sans intervention rapide, la célébration religieuse risquerait de se dérouler dans un climat de frustration sociale, alimenté par la flambée des prix et les difficultés d'accès à ces produits essentiels.
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KAOLACK
Les prix des denrées ont grimpé, selon les détaillants
Contrairement à ce que les nouvelles autorités avancent sur la baisse des prix des denrées de première nécessité, les boutiquiers détaillants de la région de Kaolack estiment que le prix des produits a plutôt flambé.
Avec l’avènement du nouveau régime de Diomaye Faye, les autorités se réjouissent de la maîtrise des prix des denrées de consommation courante. À les entendre parler, on se croirait dans un Sénégal où tous les coûts ont été revus à la baisse. Loin de cela, selon Omar Boly, coordonnateur régional des boutiquiers détaillants de Kaolack. D’après ses dires, le défunt régime a été le plus méritant en termes de politique de réduction du coût des produits courants par rapport à l’actuel régime.
Il avance qu’à la veille du mois du ramadan, le marché du sucre est bien approvisionné et que si ce rythme d’approvisionnement est maintenu, aucune tension sur son prix ne sera enregistrée.
Par contre, notre interlocuteur ne partage pas l’optimisme des nouvelles autorités, qui se vantent d'avoir amorti le coût de la vie en cassant les prix, malgré un environnement économique mondial tendu. Il dit tomber des nues, chaque fois qu’il entend les autorités chargées du commerce affirmer que les denrées de consommation courante sont devenues plus accessibles.
D’après lui, "le riz, l'oignon, l'huile, le lait... ont tous connu une hausse de prix depuis l'avènement du régime de Diomaye Faye". Pour preuve, M. Boly rappelle que le prix de l'une des denrées les plus prisées, le riz, a augmenté. D'après lui, le kilogramme de riz, qui était vendu à 350 F CFA, s’échange désormais à 420 F CFA, soit 70 F CFA de différence. Cela montre que le prix du riz brisé non parfumé n’a pas baissé, car le sac était cédé à 15 750 F CFA contre 18 000 F CFA sur le marché, même s'il admet qu’avec 19 200 F CFA, on peut l'obtenir. Bref, à son avis, rien de nouveau sous le soleil. Les promesses de casser les prix des denrées n’ont toujours pas été respectées, du moins pour celles citées ci-dessus.
Poursuivant son argumentaire, il évoque l'huile, une denrée aussi prisée que le riz par nos ménages. Contrairement aux allégations faisant état d'une baisse du prix de l'huile, M. Boly signale que le litre d'huile coûtait moins cher que les 1 200 F CFA appliqués sur le marché actuellement, car le détaillant le cédait parfois à 900 F CFA. Donc, dit-il, au moment où le nouveau régime se plaît à dire que le litre d'huile est à 1 000 F CFA, cette denrée était plus accessible sous le défunt régime. Encore que pour lui, ce prix plafond de 1 000 F CFA le litre est dépassé, puisqu’il faut désormais 1 200 F CFA pour s’en procurer.
Tout compte fait, notre interlocuteur n’y va pas par quatre chemins pour décrire la cherté de la vie. Dans ses explications, il soutient que même le lait coûte plus cher qu’avant. "Le sac de 25 kg coûtait 56 000 F CFA contre 60 000 F CFA actuellement", a-t-il rappelé. Il ajoute que ‘’même les œufs sont devenus plus coûteux’’, car la tablette s’obtenait à 2 250 F CFA contre 2 500 à 2 600 F CFA. En ce qui concerne l’oignon local, le kilogramme se vend à 600- 650 F CFA, alors qu'à pareille période, il était vendu à 400 F CFA sous l'ancien régime.
En conclusion, Omar Boly s’interroge, sur un ton taquin : "D'où nos autorités tiennent-elles les affirmations faisant état d'une baisse considérable des denrées de première nécessité ?"
LE SERVICE DU COMMERCE DE KAOLACK DONNE LES PRIX DU MARCHÉ L’oignon local est vendu à 500 F le kg, le sucre à 610 F et le riz à 420 F D’après le chef du Service régional du commerce de Kaolack, Adama Mouhamed Mbaye, le relevé de stocks de la semaine en cours s’établit comme suit ci-dessous. Riz brisé non parfumé : stock de 334 t, vendu à 19 600 CFA chez les demi-grossistes et 420 F CFA le kilo maximum chez les détaillants ; riz brisé parfumé ordinaire : niveau de stock estimé à 43 t, cédé entre 23 000 et 24 500 F CFA chez des demi-grossistes et 500 F CFA le kilo au détail ; riz parfumé de luxe : 22 t sont disponibles sur le marché, vendu entre 600 et 700 F CFA au détail ; riz local : 49 t sont stockées, le prix de vente va de 400 à 450 F CFA. Au total, 448 t de riz sont disponibles sur le marché kaolackois. Autres denrées L'huile en fût ; la bouteille de 20 l s'achète entre 18 890 et 19 140 F CFA chez les demi-grossistes et à 1 000 F chez les détaillants. Pour la bouteille de 5 l, le prix varie entre 23 000 et 24 000 F CFA en demi-gros et entre 6 000 et 7 000 F CFA au détail. En ce qui concerne le sucre en morceaux, 47,200 t sont disponibles. Il est vendu entre 800 et 1 100 F CFA au détail. Le sucre cristallisé a un stock de 46,650 t, vendu chez le détaillant à 610 F CFA. Pour le lait en poudre en vrac, le prix est de 2 900 F CFA le kilo. L'oignon local est vendu à 500 F CFA le kilo, tandis que l'oignon importé est à 700 F CFA. La pomme de terre importée se commercialise à 650 F CFA le kilo. |
THECIA P. NYOMBA EKOMIE