Des fléaux qui détruisent la vie de milliers de jeunes enfants

La protection des enfants demeure une réelle préoccupation pour les services dédiés et les organisations de défense des droits des enfants à Saint-Louis. Les agressions sexuelles et la maltraitance sur des jeunes enfants sont des sujets qui suscitent une grande inquiétude et un sentiment d'indignation profond au sein de la société.
A Saint-Louis, les actes de violences sexuelles, physiques ou psychologiques se produisent de plus en plus dans les bus, les ruelles sombres et maisons abandonnées des quartiers périphériques, mais aussi dans d'autres espaces jugés pourtant « sûrs » comme les écoles, les jardins publics ou au sein des familles. La multiplication de ces faits dans des environnements supposés innocents soulève des questions sur la sécurité des enfants et sur les moyens de les protéger de ces agressions.
Ainsi, la lutte contre les agressions sexuelles et la maltraitance des enfants demeure un combat de société. Il ne s'agit pas seulement de protéger les enfants, mais aussi de s'assurer qu'ils grandissent dans un environnement où leurs droits fondamentaux sont respectés. C’est pourquoi, la collaboration entre les familles, les écoles, les autorités publiques et les associations de protection de l'enfance est essentielle pour leur assurer cela.
Les bus, par exemple, qui sont des moyens de transport utilisés par de nombreux jeunes enfants pour se rendre à l'école, sont souvent le théâtre de situations où ils sont exposés à des risques. Les transports publics, bien que pratiques, souvent bondés surtout aux heures de pointe, deviennent de plus en plus préoccupants pour la sécurité des jeunes passagers. Les espaces confinés offrent également une couverture idéale pour les prédateurs. Le temps passé dans ces lieux, parfois sans surveillance, facilite les agressions sexuelles (attouchements), puisqu’un enfant isolé dans un environnement clos devient rapidement vulnérable.
Les ruelles sombres sont aussi des lieux où les « maniaques » sévissent loin des regards indiscrets. Les victimes de ces agressions sexuelles sont souvent des enfants très jeunes. D'ailleurs, il y a quelques semaines, une affaire d’attouchements sur une jeune élève de huit ans dans un bus de transport en commun filmé et diffusé sur les réseaux sociaux avait secoué la ville tricentenaire de Saint-Louis avant d’atterrir au tribunal.
Pour le directeur régional de l’Aemo/Saint-Louis, Mamadou Diéna, les dossiers reçus et traités par ses services ne sont que la face visible de l’iceberg et constituent une infime partie de ces maux. « En 2024, 13 cas de maltraitance de jeunes enfants et 25 cas d'agressions sexuelles ont été remontés et traités par nos services. Ce sont des cas connus et traités, par contre d'autres préfèrent les garder dans les familles, dans certains espaces de vie des enfants », déplore Mamadou Diéna.
Les jeunes talibés, les plus exposés à la maltraitance
Avant de signaler qu’en tant que service de référence, Aemo/Saint-Louis qui est un service extérieur de la Direction générale de la Police judiciaire (DGPJ), du ministère de la Justice, reçoit beaucoup de cas de maltraitance, surtout des jeunes talibés. Une situation qui s’explique culturellement par la prolifération des daaras, dont la majeure partie ne répond pas aux normes. « Ce sont des enfants qui viennent du Sénégal profond et parfois de la sous-région. Sur place, ils sont dans des situations extrêmes qui les exposent. Nous recevons très souvent des cas d'enfants victimes de maltraitance venant de ces daaras, mais aussi d’autres enfants qui sont laissés à eux-mêmes. Tout récemment on m'a référé, une fillette de trois ans, qui a été très souvent maltraitée et violentée par sa propre mère. Après la dénonciation par son délégué de quartier, la personne a été convoquée et mise devant ses responsabilités. Quand l'Aemo reçoit ce genre de cas, en rapport avec les autorités judiciaires, nous faisons le suivi. Après l'entretien, l'écoute des enfants, nous cherchons d'abord à les sécuriser. On les héberge dans des structures d'accueil pour leur sécurité avant de boucler le travail en rapport avec le parquet. Nous faisons une note d'information à l'intention du procureur de la République, qui se saisit de l'affaire et fait les diligences nécessaires pour mettre la main sur le mis en cause », explique M. Diéna.
Mais à côté des cas de maltraitance, les cas d’agressions sexuelles font aussi foison à Saint-Louis. A en croire toujours le Directeur régional de l’Aemo/Saint-Louis, c'est une problématique majeure à laquelle les enfants sont exposés. « On a reçu 25 cas de viol d’enfants durant l’année 2024 dont des cas d'enfants mineurs victimes de viols, de viols suivis de grossesse et même des cas d'inceste. Des situations très compliquées pour ces enfants qui sont parfois âgés entre 12 ans et 16 ans. Ce sont des mineures qui gagneraient à être protégées, malheureusement qui très tôt sont victimes d'agressions sexuelles et de viols. C'est très difficile, mais on en reçoit beaucoup. Par rapport à ses missions de prise en charge et d'accompagnement, l'Aemo travaille également avec le procureur de la République et le tribunal pour enfants. Nous faisons en rapport avec l'enfant, des séries d'écoutes, d'auditions, de mises en confiance, pour lui permettre de pouvoir exposer et de nous faire la situation globale sans crainte. C’est après que nous faisons une note d'information à l'attention du procureur qui saisit la brigade de gendarmerie ou la police pour une réquisition, pour un examen gynécologique de l'enfant pour la délivrance d'un certificat médical », éclaire M. Diéna. Avant de poursuivre que beaucoup de parents, d'adultes sont en prison du fait de ces cas de viol sur mineurs.
Vingt-cinq cas de viols dont des incestes enregistrés en 2024
« Les viols et autres agressions sexuelles qui gangrènent notre société, méritent un diagnostic profond. Souvent les bourreaux des enfants sont dans l'environnement immédiat de ces derniers. Il est démontré que dans plus de 90% des cas, les auteurs sont des proches de la victime. Soit c'est le père, le frère, l'oncle, l’ami de la famille, etc. Ce sont ces personnes qui devraient les protéger, qui malheureusement les mettent dans des situations de maltraitance ou d'agressions sexuelles », souligne-t-il.
L'Aemo s'occupe de l'assistance judiciaire, mais intervient aussi dans l’accompagnement psychosocial pour les enfants victimes de maltraitance et d’agressions sexuelles. Avec les traumatismes subis au plan psychologique, ils peuvent développer beaucoup de troubles du comportement avec des conséquences profondes et durables. Raison pour laquelle, la structure se fait accompagner souvent par d’autres spécialistes plus appropriés pour approfondir et faire bénéficier à l'enfant un accompagnement adéquat.
‘’Nous ne pouvons rester silencieux face à cette menace grandissante’’
L’indignation et l’inquiétude grandissent au sein des associations de protection de l’enfance, face à la recrudescence des cas d’agressions sexuelles et de maltraitance sur de jeunes enfants à Saint-Louis. Adama Coundoul, président de l’association d’aide aux personnes vulnérables (2APV), tire la sonnette d’alarme et appelle à une mobilisation générale pour mettre fin à ces abus intolérables.
« C’est une situation qui ne peut plus durer. Trop d’enfants sont victimes d’actes répréhensibles, et nous ne pouvons rester silencieux face à cette menace grandissante. La maltraitance et les violences sexuelles sont maintenant monnaie courante à Saint-Louis. Lutter contre ces fléaux sur les enfants est un combat qui nous concerne tous. C’est pourquoi la 2APV appelle à une synergie entre les autorités, les associations, les parents et tous les citoyens pour garantir aux enfants un environnement sécurisé. Il faut savoir que protéger nos enfants, c’est protéger l’avenir de notre pays. Donc, nous devons agir maintenant. Nous exhortons les autorités à renforcer la sécurité et la surveillance dans les lieux à risque. Nous demandons également aux forces de l’ordre d’être plus vigilantes et à la justice d’appliquer des sanctions sévères contre les auteurs de ces actes. L’impunité ne peut plus être tolérée », martèle Adama Coundoul.
Dossier réalisé par IBRAHIMA BOCAR SENE SAINT LOUIS