Le FMI attend des corrections

Après une série d'interviews accordées à des médias nationaux et internationaux, le FMI a rendu public, hier, son communiqué sur la fin de la mission dépêchée au Sénégal, afin d'examiner les conclusions de l'audit de la Cour des comptes.
Le Fonds monétaire international (FMI) a publié, hier, son communiqué officiel relatif à la fin de la mission dépêchée au Sénégal, afin d'examiner les conclusions du rapport d'audit de la Cour des comptes. “L’équipe a évalué l’ampleur des révisions des données budgétaires, discuté des facteurs institutionnels et procéduraux ayant contribué à ces déclarations erronées et échangé avec les autorités sur les mesures correctrices visant à renforcer la transparence et la gestion des finances publiques”, informe le communiqué.
Saluant l’engagement des autorités en faveur de la transparence budgétaire, le FMI réaffirme “sa disponibilité à accompagner le Sénégal dans la conception d’un nouveau programme de réformes, fondé sur les conclusions de l’audit et les priorités nationales de développement, une fois les conditions requises réunies”.
Selon Edward Gemayel, chef de la délégation, l’audit mené par la Cour des comptes a révélé d’importantes révisions des données budgétaires du Sénégal pour la période 2019-2023. “Plus précisément, le déficit budgétaire moyen a été révisé à la hausse de 5,6 points de PIB, tandis que la dette de l’Administration centrale est passée de 74,4 % à 99,7 % du PIB à fin 2023”, a-t-il précisé.
Ces révisions, de l'avis de M. Gemayel, “reflètent principalement des passifs non divulgués antérieurement, dont des emprunts dissimulés représentant 25,3 points de PIB”. À en croire le chef de la délégation, “ces conclusions mettent en lumière de graves lacunes dans le contrôle budgétaire et la reddition des comptes, soulignant l’urgence de mettre en œuvre des réformes structurelles”.
La mission ne s'est pas arrêtée à constater les dégâts. Elle a cherché à mieux cerner “l’ampleur des écarts et les insuffisances juridiques, institutionnelles et procédurales qui les ont rendus possibles”, soutient le communiqué, qui ajoute : “Les discussions ont également porté sur l’identification de mesures correctrices pour améliorer la transparence budgétaire, renforcer le contrôle des finances publiques et la récurrence de telles pratiques.”
Avec un déficit budgétaire établi à 11,7 % du PIB, une dette de l’Administration centrale estimée à 105,7 % du PIB à fin 2024, le Sénégal a été contraint d'emprunter à des taux moins favorables sur le marché. “Les conditions de financement se sont nettement resserrées, reflétant des tensions sur les marchés régionaux, des retards dans le soutien des partenaires techniques et financiers, et un recours accru à des emprunts extérieurs de court terme à coût élevé. Ces tensions soulignent l’importance d’une stratégie crédible d’assainissement budgétaire”, lit-on dans le communiqué.
Malgré ces notes peu reluisantes sur la situation des finances publiques, les émissaires du FMI restent optimistes sur les aptitudes de l'économie sénégalaise à faire face à ces difficultés. “L’activité économique du Sénégal est restée résiliente en 2024. Les premières estimations indiquent une croissance du PIB réel d’environ 6,0 %, soutenue par une solide performance du secteur des hydrocarbures. L’inflation est restée faible, avec une moyenne de 0,8 %, contribuant à un environnement de prix stable”, font-ils remarquer.
Cela dit, le communiqué a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre “des réformes audacieuses et crédibles, afin de permettre un retour rapide à l’objectif de déficit budgétaire fixé par l’UEMOA et de placer la dette publique sur une trajectoire durablement décroissante”.
Dans cette optique, le FMI est revenu sur un certain nombre de mesures prioritaires à mettre en œuvre, notamment “la rationalisation des exonérations fiscales et la suppression progressive des subventions énergétiques coûteuses et non ciblées”. “Ces réformes permettront de reconstituer les marges de manœuvre budgétaires indispensables pour faire face à de futurs chocs, soutenir les priorités de développement et réduire les vulnérabilités macroéconomiques”, soutient le communiqué, qui informe que les autorités ont exprimé leur intention de solliciter un nouveau programme appuyé par le FMI. “Le fonds se tient prêt à accompagner le Sénégal dans la conception d’un programme de réformes ambitieux, tirant les enseignements de l’audit et conforme à la stratégie nationale de développement. Les discussions sur un éventuel nouveau programme débuteront dès que des mesures correctrices auront été engagées pour remédier aux déclarations erronées, et peu après l’examen du dossier par le Conseil d’administration du FMI”, souligne le chef de la délégation.
L'équipe a rencontré plusieurs hautes autorités de la République dont : le chef de l'État Bassirou Diomaye Faye, le ministre de la Justice Ousmane Diagne, le ministre de l'Économie Abdourahmane Sarr, le ministre des Finances et du Budget Cheikh Diba ainsi que plusieurs hauts responsables de l’Administration. L’équipe a également eu des échanges fructueux avec des représentants des syndicats, de la société civile et des partenaires au développement.
MOR AMAR