Publié le 22 Apr 2014 - 19:01
3 QUESTIONS À... NDIOUGA NDIAYE, ANCIEN AMBASSADEUR DU SENEGAL A BANJUL (2001-2006)

''L’État doit prendre ses responsabilités et contourner la Gambie''

 

La Gambie vient de décider de manière unilatérale la fermeture des frontières avec le Sénégal. Quelle analyse en faites- vous ?

Je ne suis pas surpris par cette attitude des autorités gambiennes pour la simple et bonne raison que Yaya Jammeh se croit incontournable, voire indispensable dans la résolution de la crise casamançaise.

Ce qui est inexact, à mon avis. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les années 1980, ont associé la Gambie dans la recherche de la paix en Casamance. Mais cela n'a rien donné de concret. C'est toujours un éternel recommencement. Même le Président Macky Sall s'est inscrit dans cette dynamique. C'est ainsi que pour son premier déplacement à l’étranger, il a choisi la Gambie.

Un acte fort et courageux, qui traduit toute sa volonté de régler le conflit casamançais. Hélas, la Gambie ne joue pas le jeu. Pire, Yaya Jammeh ne cesse de faire du dilatoire. La preuve, les accords déjà signés entre les deux pays pour la construction d'un pont sur le fleuve. Les financements sont déjà acquis mais les travaux ne verront jamais le jour tant que Yaya Jammeh sera au pouvoir en Gambie.

Que faut-il alors faire pour sortir de cette situation ?

Le Président gambien pense pouvoir étouffer le Sénégal. En décidant de fermer de manière unilatérale la frontière, ce qui est en porte-à-faux avec les conventions ; il cherche à nous empoisonner la vie.

Il s'y ajoute qu'avec les avancées significatives notées dans les négociations entre le gouvernement  et le MFDC (Mouvement des forces démocratiques de la Casamance - rébellion), Yaya Jammeh se sent un peu hors-circuit et cherche par cette décision à se rappeler au bon souvenir du Sénégal. C'est à croire que le calme plat qui règne depuis un certain temps dans la région sud le dérange.

Cela prouve qu'il n' a pas les mêmes visées que le Sénégal. La solution, c'est de réhabiliter les routes de contournement. Il y a deux voies de contournement : La route Tamba-Gouloumbou-Ziguinchor et celle de Koungheul-Velingara-Ziguinchor, qu'il faut impérativement réhabiliter. C'est un problème de souveraineté de désenclaver la Casamance.

Tant qu'on sera obligé de passer en Gambie pour rallier Ziguinchor, la Gambie pensera toujours qu'on lui est redevable de quelque chose. Aujourd'hui, il appartient a Macky Sall de régler ce problème, le plus rapidement possible. Encore une fois, c'est un problème de souveraineté qui se pose et nous ne devons plus accepter le chantage de Yaya Jammeh.

Ce dernier rêve de mettre sur pied un état réunissant la Gambie, la Guinée-Bissau et la Casamance. Heureusement que Bissau n'est pas dans les mêmes dispositions que Banjul. D'où la nécessité pour le Sénégal de raffermir ses liens de fraternité et d'amitié avec le Président bissau-guinéen qui sortira des urnes.

Mais n' y a-t-il pas une solution diplomatique à cette crise latente avec la Gambie ?

A mon humble avis, il n y a pas de solution diplomatique à cette situation. Même s'il faut toujours négocier.  Mais on s'est rendu compte, avec le temps, que les actes posés par le gouvernement gambien ne vont pas dans le sens d'une résolution de la crise casamançaise. Il faut avoir le courage de rappeler Yaya Jammeh à l'ordre.

C'est lui qui a décide de la fermeture de la frontière, sans aviser, donc le Sénégal doit attendre et laisser la situation à l’état actuel. Certes cette situation porte préjudice a nos concitoyens de la partie méridionale, mais il faut accepter de consentir des sacrifices. Car, à la limite, ce sont les Gambiens qui en pâtiront le plus.

Pour rappel, il y a quelques années, suite a des problèmes avec les transporteurs sénégalais, la Gambie avait décidé de fermer sa frontière. Mais au bout d'une semaine il n'y avait plus de gaz dans le pays, et Yaya Jammeh était obliger de faire marche arrière. Le Président gambien doit cesser de faire du conflit casamançais un fonds de commerce.

Nous devons lui faire comprendre que nous existons et que nous sommes un État souverain. Aussi, l’État doit prendre ses responsabilités et contourner la Gambie. Les transporteurs sont d'accord sur le principe. Reste à entamer des négociations avec eux pour voir comment subventionner le prix du carburant.

Mais si on reste les bras croisés à attendre une solution diplomatique, on n'ira nulle part, car les gouvernements précédents ont tous essayé, tous les artifices ont été utilisés, mais cela n'a abouti à rien de concret. Fermer la frontière au moment où on vient de signer un accord pour l’édification d'un pont relève tout simplement de la mauvaise foi.

Propos recueillis par

Ibrahima Khalil WADE

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