Pas touche au mur de Berlin
L’édifice a beau évoquer de terribles souvenirs, les Berlinois manifestent depuis plusieurs jours pour épargner ce symbole de la guerre froide menacé par un projet immobilier.
«Le Mur doit rester! », « N’effaçons pas l’Histoire pour nos enfants », « L’argent fait tomber le Mur! ». Voilà la tonalité des pancartes brandies dimanche par les 6000 manifestants présents autour de l’East Side Gallery. Ils ont été relayés, hier matin à l’aube, par plusieurs dizaines d’habitants déterminés à faire cesser les travaux de démolition du mur de Berlin qui, de sa construction en 1961 à sa chute en 1989, a été le symbole de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest.
Connu dans le monde entier pour ses peintures et fresques, ce pan du Mur, long de 1,3 km, en est aussi l’un des derniers vestiges. Impossible d’y toucher pour les habitants de la capitale, surtout pas pour un projet immobilier qui prévoit la construction au bord de la Spree d’une tour de quatorze étages destinée à abriter des appartements de luxe. Un pont réservé aux piétons et aux cyclistes est également prévu. Autant de gros travaux qui nécessitent de démolir des parties de l’édifice.
« Ça n’a pas de sens, des gens sont morts ici en essayant de gagner leur liberté. Comment penser à l’avenir si on efface comme ça le passé? » s’énerve Simon. Sur une scène installée pour l’occasion, des personnalités politiques et artistiques locales ont aussi exhorté leur auditoire à se mobiliser sans relâche pour « garder le Mur tel qu’il est aujourd’hui ».
Deux jours plus tôt, vendredi, les grues avaient retiré un premier morceau de l’édifice. Des centaines d’habitants s’étaient alors précipités pour former une chaîne, provoquant l’intervention de la police. Une réaction qui n’a rien d’étonnant pour l’artiste français Thierry Noir : l’East Side Gallery est devenue « le symbole de la liberté recouvrée à Berlin et en Europe ». En 1990, ce Berlinois d’adoption peignait sur le Mur des têtes multicolores devenues célèbres dans le monde entier. « On ne voulait pas faire de cet ancien corridor de la mort une œuvre d’art. Les peintures étaient plutôt un alibi pour conserver ces vestiges indispensables au devoir de mémoire », poursuit l’artiste.
Les travaux suspendus jusqu’au 18 mars
Justement, la majorité des manifestants n’a pas encore 30 ans. « C’est rassurant de voir que les jeunes s’engagent à ce point », s’émeut presque Constanze, étudiante à l’université Humboldt de Berlin lors de la chute du Mur. « Ils pourraient n’en avoir rien à faire, mais ils ont adopté ce symbole d’expression, et compris tout ce que cela représente dans l’histoire de notre pays. »
En quarante-huit heures seulement, la mobilisation a enflé dans la capitale allemande. Hier matin à l’aube, ils étaient une centaine de manifestants veillant à ce que la démolition ne reprenne pas. Une pression populaire qui a poussé le promoteur immobilier à suspendre les travaux jusqu’au 18 mars. Sommé par les opposants de faire machine arrière, Klaus Wowereit, le maire de la capitale, a déclaré que la démolition n’était pas « indispensable ». Ce répit ne les empêchera pas de mettre en place une veillée permanente près de l’édifice, jusqu’au 18 mars au moins.
Le Parisien