Publié le 5 Mar 2024 - 16:10
AMNISTIE

 Macky Sall rend à Sonko son éligibilité

 

Contre vents et marées, Macky Sall poursuit sa volonté de faire adopter par l’Assemblée nationale son projet de loi d’amnistie sur les faits relatifs aux manifestations survenues entre 2021 et février 2024. Par la même occasion, il rend également à Ousmane Sonko son éligibilité.

 

‘’C'est ma position ; je l'assume. Vous savez bien que je n'ai pas peur de prendre des positions. Je n'ai pas peur d'être seul dans mes positions…’’. Ainsi s'exprimait récemment le président de la République Macky Sall. C'était lors du Dialogue national à Diamniadio. Il défendait alors son projet impopulaire de loi d'amnistie, critiquée jusqu'au sein de son propre gouvernement. Depuis mercredi, il est passé à l’acte en faisant adopter en Conseil des ministres ledit projet de loi, à l’ordre du jour de la Commission des lois convoquée aujourd’hui par l’Assemblée nationale.

Depuis hier, on en sait un peu plus sur le contenu du projet. À ceux qui se demandaient si Ousmane Sonko serait concerné par ladite loi, la réponse est affirmative. C'est ce qui résulte, en tout cas, de la lecture de l'article 1er du projet. Qui dispose : ‘’Sont amnistiés de plein droit, tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infractions criminelles ou correctionnelles commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques y compris celles faites par tous supports de communication, que les auteurs aient été jugés ou non.’’ Ainsi, au-delà des infractions liées aux manifestations, sont concernés tous les crimes et délits ayant des motivations politiques. L'affaire Sonko contre Mame Mbaye Niang n'échappe donc pas au champ du projet de loi d’amnistie. Si celui-ci est adopté par l'Assemblée nationale, rien ne s'opposera, en principe, à l'éligibilité du maire de Ziguinchor.

Au terme l'article 2 du projet de loi, la présente loi ‘’entraîne, sans qu’elle ne puisse jamais donner lieu à restitution, la remise totale de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachés à la peine’’.

Écarté de la Présidentielle sur la base de sa condamnation à six mois dans l’affaire Mame Mbaye Niang, Ousmane Sonko pourrait ainsi recouvrer tous ses droits, en cas de révision de la liste, s’il en a envie.

Les victimes peuvent poursuivre leurs ‘’bourreaux’’ au civil pour des dommages et intérêts

Interpellé sur les conséquences de la loi d'amnistie, le doctorant en droit privé, Amadou Khomeiny Camara, explique : ‘’Il résulte de l'article 6 du Code de procédure pénale que l'amnistie est une des causes d'extinction de l'action publique. Cela veut dire que si l’action publique n'a pas été déclenchée, elle ne le sera jamais. Avec l’amnistie, on considère que les faits qui ont été commis ne constituent plus une infraction.’’ Dans le cas où l’action publique a été déclenchée et qu’il y a eu condamnation par exemple, l'amnistie efface les peines qui ont été prononcées, informe le spécialiste.

Toutefois, il convient de noter avec M. Camara que la loi d’amnistie ne saurait être un obstacle à la défense des intérêts civils des tiers. ‘’Il arrive qu'on poursuive une personne pour une infraction, donc au pénal. Par la suite, le juge constate que l'infraction n’est pas constituée, mais qu’il y a une faute civile qui cause un dommage à autrui. Dans ce  cas, la personne poursuivie peut être condamnée à réparer le préjudice. Cela arrive souvent en pratique’’, souligne le spécialiste, pour montrer que les victimes des faits amnistiés peuvent toujours poursuivre leurs auteurs. Devant quel juge ? Le spécialiste rétorque : ‘’Si l’action a déjà été déclenchée et qu’au cours de l’audience le tribunal découvre que l’infraction n’existe plus, le juge est compétent pour statuer sur l’action civile. Si l’action publique n’a pas été déclenchée avant l’amnistie, dans ce cas, on ne peut aller devant le juge pénal, mais devant le civil pour la réparation du préjudice.’’

Malgré la levée de boucliers contre son projet, le président de la République a montré qu’il tient à aller jusqu’au bout. Lors du dialogue, il avait enjoint à tous ses collaborateurs de soutenir le projet. ‘’En un moment, dans la vie d'une nation, disait le président, il faut savoir se pardonner, apaiser les cœurs pour aller de l'avant. Cela ne veut pas dire que l'on a minimisé les atrocités. Mais il faut faire preuve de dépassement, de pardon et de réconciliation. J'engage les députés et les leaders de la majorité,  mais aussi ceux de l’opposition à soutenir le projet’’. Aux membres du gouvernement qui continuent d’émettre des réserves, il avertit : ‘’Ceci est le projet que je vais soumettre à l’Assemblée nationale. Le gouvernement doit le mettre en œuvre parce que c'est le président qui définit la politique de la Nation. Il faut que ça soit très clair.’’

L’ex-Pastef s’emmure dans le silence depuis la dernière sortie de Citizen Ly

Si pour les uns, Macky Sall tient à ce projet pour couvrir les gens de son régime, pour d’autres, la loi d’amnistie serait une des conséquences des négociations avec Ousmane Sonko. À l’ex-Pastef, les avis sont très différents en ce qui concerne ce projet de loi d’amnistie. Entre l’aile dure qui ne veut pas entendre parler d’amnistie et les modérés qui prônent le dépassement et l’infléchissement de la lutte, le débat reste épique. Dans une sortie qui avait récemment soulevé l’ire de beaucoup de militants, le proche de Sonko, Ousseynou Ly, appelait ses camarades à plus de lucidité dans le combat. ‘’Attention, ne nous trompons pas de combat !’’, avertit le coordonnateur de l’ex-Pastef à la Médina, membre du cabinet d’Ousmane Sonko.

Selon lui, la vocation de l’ex-Pastef comme pour tous les partis, c’est de conquérir et d’exercer le pouvoir. ‘’… Le président Ousmane Sonko a été un véritable stratège pour qu’on en arrive là. Pour ce faire, il s’est départi de toute émotion et de tout autre sentiment de haine envers ses persécuteurs afin que ceci n’altère pas sa vision des choses, sinon aujourd’hui, toute cette stratégie échouerait. Voilà une voie à suivre si nous voulons atteindre notre objectif, à savoir accéder au pouvoir et changer les choses pour le grand bonheur de nos compatriotes’’, affirmait M. Ly qui n’a pas été raté par les sympathisants qui ont vu dans sa tribune une volonté de se compromettre.

À ses détracteurs, Citizen Ly précisait : ‘’Que cela soit clair ! Je n’appelle à aucune impunité envers tout persécuteur. Mais la lucidité et la sérénité doivent nous guider désormais à sortir indemne de cette situation.’’

À l’en croire, l’ex-Pastef s’est trop sacrifié pour des combats et l’heure est venue de penser à ses propres combats. ‘’Pour une fois, patriotes, refusons de servir de dindon de la farce politique qui se joue loin des caméras, des conférences de presse et autres déclarations symboliques. Cela commence par nous faire croire que si Ousmane Sonko sort de prison dans ces moments, c’est qu’il aura compromis son combat. C’est faux ! Aujourd’hui plus qu’hier, nous avons besoin du président Sonko dehors pour mener les troupes et battre campagne aux côtés de notre candidat’’, soutient-il, critiquant avec véhémence certains alliés de son parti qu’il accuse de ‘’dealer’’ avec le pouvoir contre l’ex-Pastef.

De l’avis du proche de Sonko, aujourd’hui, ce qui doit compter, c’est la libération de Sonko et de tous les militants. ‘’Si Macky Sall décide de libérer Ousmane Sonko, son candidat et ses militants, ce sera non pas une compromission ou un reniement des principes du combat, mais une réparation d’une situation qui ne devait pas avoir lieu. Ce ne sera pas une grâce qu’il leur offre, mais des droits spoliés qu’il leur retourne. Ce que visiblement certains de l’opposition et/ou de la société civile ne veulent pas’’. Contrairement à la position affichée par nombre de responsables, il implore presque le leader de ne pas cracher sur sa libération. ‘’Président Sonko, acceptez de sortir SVP. Venez parler aux militants et aux Sénégalais. Vous avez toute la légitimité pour le faire. Vous avez le leadership pour indiquer la voie de sortie de crise pour l’intérêt général et vous saurez parler aux Sénégalais en assumant, comme toujours, votre posture faite de patriotisme, de désintéressement et de vérité’’.

Il faut noter que ce dernier s’est emmuré dans un silence assourdissant, depuis que cette affaire de négociations avec le pouvoir a été ébruitée par les facilitateurs. D’habitude très prompt à monter au créneau pour décliner ses positions, il a préféré, cette fois, le silence. Aussi bien sur la loi d’amnistie que sur le débat sur le report, la position de Sonko n’a jusque-là pas été affirmée.

Pour Ousseynou Ly, ‘’que Macky Sall décide d’organiser les élections avant le 2 avril ou bien au-delà’’, les patriotes doivent ‘’refuser d’être les perdants pour une énième fois’’, car loin d’eux ‘’se dessinent encore des reconfigurations politiques auxquelles on veut nous éloigner en nous demandant de rester sur les principes’’.

Nous avons essayé de joindre les principales voix du parti dissous d’Ousmane Sonko, mais nos tentatives sont restées vaines. Ni le responsable chargé de la communication (El Malick Ndiaye) ni le président du groupe parlementaire (Birame Soulèye Diop) n’ont répondu à nos sollicitations.  

MOR AMAR

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