Nouvel essai de l’ONU pour réguler le commerce des armes
Les Nations unies se penchent une nouvelle fois sur le projet de traité international sur le commerce des armes conventionnelles (TCA). Les 193 pays membres de l’ONU ont dix jours à compter de ce lundi 18 mars 2013 pour tenter de trouver un compromis afin de réglementer un peu mieux le marché de l’armement que l’on évalue aujourd’hui à près de 100 milliards de dollars annuel (environ 70 milliards d’euros).
C’est un peu la réunion de la dernière chance après l’échec des dernières négociations en juillet 2012. Désormais, les membres de l’ONU n’ont plus vraiment le choix, ils doivent se mettre d’accord sur le contenu d’un traité sur le commerce des armes conventionnelles (TCA).
La tâche s’annonce difficile tant les intérêts économiques sont importants quand on sait que les dépenses militaires seraient chaque année de l’ordre de 1 500 milliards d’euros dans le monde. Les ventes d’armes classiques représenteraient à elles seules un volume annuel équivalent à 100 milliards de dollars (environ 70 milliards d’euros) alors que le montant global du marché de l’armement dépasse les 400 milliards de dollars. Des chiffres qui ne reflètent en aucun cas le coût humain d’un tel trafic.
Quinze années de discussion
Dans le monde, chaque minute on estime que deux personnes meurent victimes des armes à feu et depuis une quinzaine d’années les ONG et des membres de la société civile se mobilisent pour exiger un meilleur contrôle du trafic d’armes. En 1997 déjà, des prix Nobel de la paix avaient exigé un code de conduite sur les transferts internationaux. Mais il a fallu attendre 2000 pour qu’un projet de convention soit rédigé. L’ONU s’empare du texte en 2006 et lance alors enfin le processus d’adoption d’un traité. Ces dernières discussions, ces prochains jours, doivent enfin permettre d’aller au bout du processus.
Et pour les différentes ONG engagées dans ce combat il est désormais urgent d’intervenir. Amnesty International déplore la mort de près d’un milliard de personnes victimes directes des conflits armés entre 1989 et 2010. « Il est facile de se procurer des armes dans bien des régions du monde, explique Nathalie Weizmann, juriste au Comité international de la Croix-Rouge (CICR). La violence armée y est si répandue que les civils sont souvent menacés par les mêmes dangers en période d’après-conflit que pendant un conflit. »
Conflit d’intérêt
S’il y a désormais un consensus sur la nécessité de poser un cadre légal international autour de la question des armes, ses contours posent plus de difficultés. Jusqu’ici les négociations sont parvenues à esquisser les termes d’un compromis qui n’a pourtant pas encore obtenu de signature. Il faut dire qu’aux Nations unies, les pays influents sont loin d’être les moins impliqués dans le commerce des armes.
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, c'est-à-dire la Chine, les Etats-Unis, la France, la Russie et le Royaume-Uni sont « responsables de plus de la moitié des ventes d’armes classiques » dans le monde précise Amnesty International. Et l’ONG enfonce le clou, donnant pour chacun de ces pays des exemples de ventes d’armes qui suite à la signature du TCA seraient alors illégales.
La France, par exemple, troisième exportateur mondial, a fourni des armes à des pays où de graves violations des droits humains ont été commis tels que la Libye, l’Egypte ou encore la Syrie avant la mise au banc du régime de Bachar el-Assad. La Russie pour sa part continue d’exporter 10% de ses ventes à destination de la Syrie. Et les Etats-Unis restent le principal fournisseur d’armes à l’Egypte et ont aussi livré des armements au Yémen et à Bahreïn qui ont lourdement réprimé les opposants aux régimes en place.
Les munitions sources de débat
Difficile de trouver pour ce traité des bases qui puissent satisfaire tous les membres sans pour autant signer un accord au rabais. Le TCA doit permettre un meilleur contrôle des ventes d’armes et surtout une plus grande transparence dans les transactions. Chaque exportateur serait désormais obligé de s’intéresser à l’utilisation prévue du matériel vendu, les pays devront évaluer si les armes risquent d’être utilisées pour commettre des violations des droits de l’homme, des attentats ou être récupérées par le crime organisé.
Une fois le principe acté, le plus compliqué est finalement de savoir ce que l’on met derrière chaque terme. Les ONG souhaitent que plus largement les munitions, les pièces, les composants ainsi que les équipements destinés à la police soient concernés par le TCA. Elles rappellent que par exemple 12 milliards de balles sont produites chaque années dont la moitié par les Etats-Unis. « Les munitions alimentent les conflits. Sans munitions, les fusils sont réduits au silence », déclare pour appuyer sa demande Roy Isbister, responsable du contrôle des transferts d'armes pour Safeworld.
Autre lacune mise en avant par les organisations, le texte du traité tel qu’il sera examiné à partir de ce lundi ne prend pas en compte les accords de coopération militaire. Autrement dit, la Russie pourra continuer à fournir des armes au régime syrien de Bachar el-Assad sans pour autant se mettre à dos les Nations unies.
Autant de compromis qui affaiblissent le texte qui pourrait être adopté dans une dizaine de jours et qui inquiètent grandement les ONG. Mais la partie n’est pas encore perdue pour les organisations, une autre piste de travail reste ouverte : il faudrait rassembler un maximum de pays autour d’un texte fort sans chercher le consensus absolu, en espérant que les autres Etats les rejoignent progressivement. C’est la tactique qui avait été gagnante en 2008, lors de la signature de la Convention d’Oslo sur l’interdiction des armes à sous-munitions.
RFI