Publié le 23 Nov 2021 - 02:54
COVID-19 CHEZ LES FEMMES ENCEINTES

Des morts fœtales in-utérines observées 

 

27 % des accouchements prématurés surviennent chez les femmes en état de grossesse non-vaccinées, atteintes de Covid-19. Elles sont aussi exposées à un risque accru d’avortement, de décès du fœtus, révèle le gynécologue obstétricien, le professeur Abdou Aziz Diouf, qui leur demande de se faire vacciner.

 

Le débat sur la vaccination des femmes enceintes contre la pandémie de Covid-19 n’est toujours pas clos. Si, pour beaucoup de femmes, c’est un risque énorme à prendre, certaines pensent que c’est une meilleure stratégie pour sauver l’enfant à naitre et sa maman d’une mortalité maternelle et infantile. Le gynécologue obstétricien, le professeur Abdou Aziz Diouf, membre de l’Association sénégalaise des gynécologues obstétricien (Asgo), précise que la femme enceinte est exposée à un risque accru d’infection par le coronavirus. Cette virulence, poursuit le Pr. Diouf, est beaucoup plus marquée, lorsque la femme est au 3e trimestre de la grossesse. 

D’ailleurs, des études ont montré qu’il y a un risque accru d’avortement, d’accouchement prématuré ou de césarienne chez ces femmes atteintes de Covid-19. ‘’Pour notre série hospitalière, toutes les grossesses étaient au 3e trimestre. Les formes graves représentaient 30 %, les accouchements prématurés étaient à 27 % et le taux de césarienne était très élevé, au-delà de 42 %. Pour les femmes qui n’ont pas encore accouché et que nous suivons, nous avons remarqué quelques cas d’hypotrophie fatale. Nous remarquons des morts fœtales in-utérines chez des patients qui présentaient dans les jours précédents un syndrome opaque’’, a révélé le gynécologue au cours d’une réunion du Comité national de gestion des épidémies (CNGE).

S’agissant de la fréquence élevée des cas de Covid chez la femme enceinte, le Pr. Diouf souligne que cela est dû aux changements physiologiques et immunitaires survenant au cours de la grossesse. ‘’Nous avons malheureusement enregistré quatre décès maternels. Cette augmentation des cas avec l’apparition du variant Delta n’épargne pas les femmes enceintes’’, prévient-il.

Au centre hospitalier de Pikine disposant récemment d’un centre de traitement épidémiologique et à l’hôpital Youssouf Mbargane de Rufisque, ils ont enregistré, au cours de la troisième vague, 21 cas de Covid chez les femmes enceintes (19 femmes enceintes et 2 femmes qui sont allaitantes). L’âge moyen des femmes est de 30 ans. ‘’Nous avons, renseigne-t-il, noté six cas graves dont l’atteinte pulmonaire était supérieure à 75 %’’.

‘’Des pathologies de la grossesse peuvent masquer la Covid-19’’

Selon le Pr. Diouf, les femmes enceintes affectées depuis le début de la pandémie, sont susceptibles d’être admises en soin intensifs, car elles ont besoin d’une ventilation invasive. Il faut également comprendre, renseigne le spécialiste, que d’autres pathologies de la grossesse peuvent être au-devant de la scène et masquer la Covid-19.

Sur ce, il suggère au personnel de soins de chercher la Covid-19 pour certaines complications obstétricales telles que le syndrome d’infecteur, la prééclampsie (hypertension artérielle associée à la grossesse), les menaces d’accouchement prématuré, soit en cas de perte fœtale.

Les autres facteurs qui aggravent la Covid-19 chez la femme enceinte sont l’obésité, le diabète et l’asthme qui sont des pathologies fréquemment rencontrées.

De l’avis du Pr. Diouf, les bénéfices de la vaccination chez la femme enceinte sont nettement supérieurs pour le couple mère-enfant que chez la femme non-enceinte non-vaccinée. Elle réduit, dit-il, non seulement la morbidité et la mortalité infantile, mais également la morbidité fœtale due aux accouchements prématurés.

Il renseigne, en outre, que tous les vaccins actuellement disponibles au Sénégal peuvent être administrés. Compte tenu du risque important de la morbidité et de la mortalité liées à la Covid-19, il recommande aux femmes enceintes, celles en âge de procréer et les femmes allaitantes de se faire vacciner.

Il souligne, également, la nécessité du respect des mesures barrières, même en étant vaccinées. Avant d’exhorter les femmes à fréquenter les structures sanitaires pour tous les besoins liés à la santé de la reproduction : ‘’Que ce soit les consultations prénatales, post-natales, les visites de planification familiale ou les consultations gynécologiques tout court.’’

Selon le gynécologue, des données pour d'autres infections virales respiratoires pendant la grossesse ont rapporté des effets. Il s’agit, notamment, d’un faible poids à la naissance du bébé. La prise en charge rapide et efficace d’une possible détresse respiratoire doit pouvoir être mise en place pour le suivi des femmes enceintes infectées.

TROIS QUESTIONS AU DOCTEUR AMADOU DOUCOURE, DIRECTEUR DE LA SANTE DE LA MERE ET DE L’ENFANT

‘‘Il y a beaucoup plus d’avantages à vacciner les femmes enceintes contre la Covid-19 que…’’

Est-ce que le retard dans la prise de décision pour la vaccination des femmes enceintes n’a pas impacté la hausse de la mortalité maternelle ?

L’une des stratégies efficaces pour prévenir la maladie à Covid-19, c’est la vaccination. Maintenant, la vaccination est un produit qu’on administre à une personne pour développer des anticorps. En plus de cela, la Covid-19 est une nouvelle maladie. Donc, il fallait avoir des données évidentes par rapport à la vaccination, pour pouvoir donner des recommandations fortes pour la vaccination des femmes enceintes. C’est de cette façon que le Sénégal a abordé la question.

Aujourd’hui, à travers des études qui ont été faites aux Etats-Unis, en France, partout dans le monde, le ministère de la Santé, en collaboration avec l’association des gynécologues obstétriciens, a étudié les bénéfices, les avantages et les risques par rapport à la vaccination chez la femme enceinte. D’un commun accord, nous avons trouvé qu’il y a beaucoup plus d’avantages à vacciner les femmes enceintes contre la Covid-19 que de ne pas les vacciner. Parce que cela pourra prévenir les formes graves et les décès maternels, et les morts fœtales in-utérines. En se faisant vacciner, la femme enceinte se protège elle-même et transmet même des anticorps contre le virus à son fœtus.

Certaines femmes doutent du vaccin ou refusent de se faire vacciner. Quels sont les risques encourus ?

La stratégie la plus efficace est le vaccin contre la Covid-19. Maintenant, il y a toujours des personnes qui seront contre la vaccination et qui véhiculent des messages. En tant qu’agent de santé, je vous dis que les femmes enceintes qui sont vaccinées contre la Covid-19, même si elles développent la maladie, ne vont pas faire la forme grave. Cela veut dire que les femmes doivent savoir qu’on est là pour elles. Elles doivent tout faire pour être vaccinées. Le fait de ne pas se vacciner à la Covid-19 leur entraine des complications, non seulement pour elles, mais également pour leurs enfants. Je conseille à toutes les femmes enceintes d’aller se faire vacciner. Le vaccin n’est pas nocif. Les femmes enceintes qui présentent des comorbidités (surpoids, hypertension, diabète…) ont un risque accru de développer une forme sévère de Covid-19, notamment au cours du 3e trimestre de grossesse.

Pour le bébé, les études récentes suggèrent que la vaccination durant la grossesse ne provoque pas de lésions placentaires, n’augmente pas le risque de fausse couche et n’est pas associée à des complications pour le nouveau-né. Les données montrent, également, que la vaccination durant la grossesse n’augmente pas le risque de complications durant la grossesse, ni l’accouchement et que les vaccins protègent efficacement les femmes enceintes contre l’infection par le virus.

Par conséquent, les vaccins administrés durant la grossesse sont considérés comme sûrs pour les femmes enceintes et leur bébé. Certaines femmes pensent que l’ARN messager pénètre aussi dans les cellules du bébé. C’est pourquoi elles doutent à se faire vacciner. Mais non, tel n’est pas le cas. Les composants du vaccin restent, pour la très grande majorité, localisés au niveau de la zone d’injection, puis sont rapidement dégradés par notre corps après injection. Le passage de la barrière placentaire n’est donc pas attendu et des conséquences sur le bébé à long terme sont, par conséquent, très peu probables.

Quelle est la cause de cet accroissement du taux de mortalité ?

Les déterminants des décès maternels existaient déjà, même avant la Covid-19. Ce sont les hémorragies, les complications, l'éclampsie. Mais force est de constater aujourd’hui qu’avec la troisième vague, on a noté beaucoup de décès chez les femmes enceintes. Cela est dû à a virulence du virus, mais aussi au fait que certaines femmes n’étaient pas vaccinées. Mais dès l’instant qu’on a repris la vaccination et que les femmes acceptent d’être vaccinées, la tendance a été renversée. En dépit des efforts substantiels consentis par le pays, l’équité dans l’accès aux soins continus est toujours préoccupante. Il y a aussi des majeurs, notamment le recrutement, la rétention et la fidélisation des spécialistes dans les zones périphériques et éloignées.

Dans un contexte où on parle de couverture sanitaire universelle qui veut dire des soins de qualité par tous, il nous faut des spécialistes, au niveau des régions. Il y a, aussi, l’effectivité de la fonctionnalité des blocs qui sont au niveau des centres de santé. A ce jour, nous avons 22 blocs opératoires fermés sur les 29 que compte le Sénégal. La mobilisation effective des fonds destinés à l’achat de produits contraceptifs, la continuité des services prénataux en période Covid-19. Nous sommes en pleine pandémie et ce n’est pas évident, pour la continuité des services, il nous faut encore beaucoup de tact, améliorer la communication pour que les femmes continuent à fréquenter les structures sanitaires. 

VIVIANE DIATTA

 

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