Publié le 3 Sep 2024 - 10:09
DIPLOMATIE

Enjeux mondiaux et stratégie sénégalaise

 

Le Sénégal, longtemps reconnu pour sa stabilité politique et son rôle d’exception démocratique en Afrique, traverse une période de transformation profonde, marquée par une réorientation stratégique de sa diplomatie. Sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye et avec Ousmane Sonko comme Premier ministre, le pays redéfinit ses alliances et ses priorités, adoptant une approche multilatérale et panafricaniste. Cette nouvelle stratégie diplomatique se manifeste à travers plusieurs dossiers sensibles : les relations avec Israël, la position du Sénégal sur la guerre en Ukraine, les liens avec la France et les pays africains voisins ainsi que la renégociation des contrats stratégiques.

 

Sous l'impulsion de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, le Sénégal semble s’engager sur une voie diplomatique plus ou moins aux antipodes de son héritage historique. Derrière ce revirement se cache une ambition affichée de diversification des alliances, mais surtout une posture de plus en plus radicale à l'égard des anciens partenaires stratégiques.

Israël : une position de condamnation et d’isolement

L’un des aspects les plus marquants de la nouvelle diplomatie sénégalaise est son attitude ferme à l’égard d’Israël. Lors d’un rassemblement pro-palestinien à la grande mosquée de Dakar, Ousmane Sonko, portant une écharpe aux couleurs palestiniennes, a vivement critiqué le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Sonko a accusé Netanyahou de poursuivre la guerre à Gaza pour des motifs politiques personnels, allant jusqu’à préconiser l’isolement politique et diplomatique d’Israël. Cette position radicale s’inscrit dans une volonté de rupture avec certains pays occidentaux accusés de soutenir Israël malgré ses actions controversées. Le gouvernement sénégalais semble vouloir se distinguer en prenant des positions claires et tranchées sur les questions internationales, en ligne avec une idéologie panafricaniste prônée par Sonko. Bassirou Diomaye Faye avait aussi tenu le même discours lors du sommert de l'OCI en Gambie en mai dernier.

En décembre 2016, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait rappelé son ambassadeur au Sénégal et annulé tous les programmes d'aide destinés au Sénégal. Ce geste fort est survenu après que le Sénégal, aux côtés de la Malaisie, du Venezuela et de la Nouvelle-Zélande, a voté en faveur de la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l'ONU. Cette résolution condamnait fermement la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés, un acte jugé illégal par la communauté internationale et perçu comme un obstacle majeur à la paix entre Israël et la Palestine.

La guerre en Ukraine : une neutralité affirmée

Sur la scène internationale, la guerre en Ukraine représente un autre enjeu majeur pour la diplomatie sénégalaise. La ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Yassine Fall, a réitéré la neutralité du Sénégal face au conflit russo-ukrainien, lors d’une visite en Russie. Cette position neutre, partagée par l’Union africaine, se veut un appel au dialogue et à la négociation entre les parties belligérantes. En adoptant cette posture, le Sénégal cherche à éviter de s’aligner sur les puissances occidentales ou russes, préférant jouer un rôle de médiateur impartial.

Cette neutralité s’inscrit également dans une stratégie plus large de diversification des partenariats internationaux, comme en témoigne la visite de Yacine Fall à Moscou et le lancement des négociations sur une commission bilatérale de commerce et d’économie avec la Russie.

Pour rappel, Macky Sall avait adopté cette posture en 2022, au début de la crise.

Les relations avec la France : une redéfinition panafricaniste

Dakar, traditionnellement allié de Paris, semble désormais remettre en question cette relation historique. Le duo Sonko-Diomaye opte pour une approche panafricaniste, marquant une rupture avec l’influence paternaliste de l’Hexagone. Cette redéfinition des relations franco-sénégalaises s’est illustrée récemment par la réaction d’Ousmane Sonko à la reconnaissance par Paris de six tirailleurs sénégalais ‘’morts pour la France’’ lors du massacre de Thiaroye en 1944. Sonko a vivement critiqué cette démarche unilatérale de la France, affirmant que ce n’est pas à elle de fixer le nombre d’Africains trahis et assassinés ni de déterminer la portée des réparations. Cette critique souligne une volonté de réappropriation de l’histoire par le Sénégal et de redéfinition de ses relations avec son ancien colonisateur.

Les relations avec les pays africains : une diplomatie de proximité

Bassirou Diomaye Faye, dans ses premières semaines au pouvoir, a montré une nette préférence pour une diplomatie de proximité orientée vers les pays voisins et la région ouest-africaine. Ses premiers déplacements à l’étranger ont été réservés à la Mauritanie et à la Gambie, témoignant de son engagement à renforcer les relations de bon voisinage. Cette approche s’inscrit dans une stratégie plus large de diplomatie intra-africaine visant à consolider les alliances régionales et à jouer un rôle de médiateur dans les crises sous-régionales, comme en témoigne l’implication du Sénégal dans la médiation entre la CEDEAO et l’Alliance des États du Sahel (AES).

Multilatéralisme et diversification des partenariats

La nouvelle diplomatie sénégalaise se caractérise également par une volonté de diversification des partenariats internationaux, au-delà des alliés traditionnels comme la France et l’Arabie saoudite. La  visite d’État du président Faye en Chine, dans la foulée du Sommet Chine-Afrique, illustre cette stratégie. En renforçant ses liens avec des puissances émergentes comme la Chine et la Russie, le Sénégal cherche à élargir son champ d’influence et à se positionner comme un acteur indépendant sur la scène internationale.

Cette diversification des partenariats s’inscrit dans une logique de multilatéralisme où le Sénégal entend jouer un rôle de premier plan dans les organisations internationales et régionales, tout en défendant ses intérêts nationaux.

La renégociation des contrats stratégiques : un axe prioritaire

Un autre pilier de la nouvelle stratégie diplomatique du Sénégal est la renégociation des contrats stratégiques signés par l’ancien gouvernement. La rupture d’un contrat de 700 millions d’euros avec une société saoudienne pour la construction d’une usine de dessalement d’eau en est un exemple frappant. Ce contrat, signé peu avant l’arrivée au pouvoir de Faye, a été annulé unilatéralement par le nouveau gouvernement, provoquant un refroidissement des relations avec l’Arabie saoudite. Cette décision s’inscrit dans une volonté de réévaluer les engagements du Sénégal vis-à-vis de ses partenaires traditionnels et de privilégier les intérêts nationaux dans les accords internationaux.

L’annulation du contrat saoudien a également mis en lumière certaines lacunes diplomatiques du nouveau gouvernement, notamment l’absence de consultation préalable avec des experts en diplomatie arabe. Cette maladresse pourrait avoir des conséquences durables sur les relations entre le Sénégal et l’Arabie saoudite, même si des efforts sont en cours pour réparer les dégâts. Le président Faye a envoyé un émissaire spécial, Mary Teuw Niane, pour tenter de rassurer les autorités saoudiennes sur la volonté du nouveau régime sénégalais de renforcer les relations bilatérales.

Cependant, il est clair que le gouvernement sénégalais entend désormais adopter une approche plus rigoureuse et souveraine dans la gestion de ses relations internationales, en particulier en matière de contrats stratégiques.

L'économiste Mor Gassama estime que le Sénégal doit adopter une approche diplomatique, lors de la renégociation de ses contrats stratégiques. Dans un entretien avec ‘’La Tribune Afrique’’, il souligne que le gouvernement a récemment franchi une étape importante en mettant en place un comité dédié à cette tâche cruciale. Selon Gassama, il est essentiel de définir des priorités claires et de prendre en compte les enjeux environnementaux pour mener ces négociations à bien. Il plaide pour une stratégie équilibrée, qui valorise les intérêts nationaux tout en maintenant des relations de coopération constructive avec les partenaires internationaux.

Amadou Camara Gueye

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