Le sac en papier emballe les Mauritaniens
La Mauritanie a interdit depuis le 1er janvier 2013 la production, la commercialisation et l’utilisation des sachets plastiques sur l’ensemble de son territoire. Une mesure qui a fini par convaincre les populations des dangers de cette matière difficilement biodégradable sur la vie humain, de l’animal et de l’environnement.
A l’instar d'autres pays du continent et d'ailleurs, la Mauritanie a interdit depuis le 1er janvier 2013 la fabrication, la commercialisation et l’usage des sachets plastiques. Si cette mesure a connu au début des difficultés d'application, aujourd’hui, les Mauritaniens s’adaptent à force de campagnes de sensibilisation organisées par les pouvoirs publics, les Ong et les associations de quartiers. Des mesures dissuasives à l’encontre des contrevenants ont été prises : des peines de prison allant jusqu’à un an et des amendes pouvant atteindre un million d’Ouguiyas (environ 2 millions de F Cfa) pour les fabricants, les importateurs et les utilisateurs.
Aujourd'hui, en lieu et place des sachets plastiques, les pouvoirs publics ont incité les producteurs à recourir aux matières biodégradables. ''La majorité des déchets d’emballages plastiques ne sont pas collectés et se retrouvent dans le milieu naturel, terrestre et marin où ils sont parfois ingérés par quelques espèces marines et le bétail, entraînant leur mort'' avait soutenu Amedi Camara, ministre mauritanien de l’Environnement. ''Près de 80% de bovins tués aux abattoirs de Nouakchott sont porteurs de sachets plastiques dans la panse'', faisait-il savoir.
Selon des statistiques officielles, 56 000 tonnes de déchets sont produits dans la seule ville de Nouakchott dont 25% représentent des sacs plastiques. Et 70% des animaux meurent à cause des plastiques. Une étude du ministère de l’Environnement révélait qu'un Mauritanien peut utiliser en moyenne sept ''zazous'' (appellation des sachets en langue locale) par jour, qui finissent souvent par terre entraînant ainsi une pollution environnementale. Dans son rapport de 2011 sur l’environnement, les Nations-unies, partenaires de la Mauritanie dans ce projet d’élimination des déchets plastiques, les qualifiaient de ''menace pour les écosystèmes et la santé humaine''.
Par cette mesure, la Mauritanie a suivi beaucoup de pays africains dont l’Afrique du Sud, l’Ouganda, la Tanzanie, le Kenya, le Rwanda, le Maroc, le Mali, la Somalie… pour ne citer que ceux-là. Hors du continent, tout comme l’Italie en 2011, la France envisage de faire de même dès janvier 2014.
En Mauritanie, la décision fait cependant grincer des dents. Les industriels producteurs des sachets plastiques se disent lésés. Ils craignent que cela ne les conduise à la faillite si le gouvernement ne les subventionne pas afin qu’ils puissent produire des sachets dégradables.
Un impact économique
Le Gret, une Ong française basée en Mauritanie, a créé en 2007 le projet Zazou, suite à la sollicitation du ministère mauritanien de l’Environnement, pour l’aider à lutter contre cette pollution multiforme. En six ans, une filière de collecte et de recyclage des déchets plastiques est créée et étendue à Nouakchott. Elle est confiée à 1 500 femmes regroupées dans 108 coopératives féminines. Absa Diop, présidente du GIE Zazou qui exploite un centre technique de traitement des déchets plastiques, a indiqué que le projet a généré des emplois et a profité à plusieurs familles. Aujourd’hui, d’autres coopératives sont nées dans plusieurs villes du pays. Même si les producteurs et les commerçants crient à la faillite, il faut reconnaître que cette mesure est bien accueillie par les populations. Mais après des réserves au début sous prétexte que les nouveaux sacs solubles dans la nature et biodégradables ne résistent pas à certains poids. Parfois, des clients non munis de sac solide renonçaient à l’achat au détriment du commerçant. Les Ong et les pouvoirs publics ont fini de convaincre les populations sur le bien-fondé et les bienfaits de la décision de faire disparaître les sacs plastiques, et les Mauritaniens ont bien adopté la mesure et participent activement à l’éradication des matières non biodégradables.
Porte ouverte au cancer
Les acteurs de la société civile n’ont pas manqué à l’appel des pouvoirs publics en prenant part à une campagne de sensibilisation en vue d’éradiquer totalement les sacs plastiques du paysage mauritanien. L’Ong Omassape, spécialisée dans les questions environnementales, avait organisé en juin dernier une rencontre avec l’ensemble de la société civile pour présenter les dangers du plastique et inciter les populations à mener une lutte âpre contre ces matières.
Mohamed Yahya Eba, président d’Omassape, a dressé un tableau sombre des dangers des sacs plastiques souples. ''La prolifération du cancer en Mauritanie est due en grande partie à l’utilisation des sachets plastiques souples'', a-t-il soutenu, notant que dans ce pays, les tempêtes de sable et de poussière fréquentes emportent avec elles les plastiques. Il a informé qu’environ 500 milliards de sacs plastiques sont utilisés chaque année dans le monde dont à peine 1% seulement sont recyclés.
Conscient du danger, certains spécialistes de la santé mettent en garde contre l’utilisation des sacs en plastique ou en nylon pour le transport ou la conservation des aliments ou de la nourriture, en ce sens que ces matières contiendraient des substances cancérigènes. Les dernières études sur l’environnement ont d’ailleurs montré que la présence de résidus de matières plastiques dans le sang humain pourrait provoquer le cancer. Tout comme la présence des produits chimiques peut provoquer une maladie du foie ou des poumons.
En outre, les plastiques peuvent, même brûlés, causer une pollution des sols, de l’air et de l’eau. Chez les animaux, ils provoquent le blocage du tractus gastro-intestinal et la mort. Ils obstruent aussi les bronches des poissons et arrêtent leur respiration provoquant une mort par masse importante.
Dissuasion
Pour rendre plus efficace la loi criminalisant la fabrication, la commercialisation et l’usage des plastiques, les autorités avaient annoncé une série de mesures dissuasives avec des amendes atteignant un million d’Ouguiyas. Des délits sont retenus par décret d’application. L’utilisation des sachets plastiques souples soumet les contrevenants au paiement d'une amende allant de 3 000 ouguiyas (5 000 F Cfa) à 200 000 ouguiyas (environ 400 000 F Cfa), selon le degré de l’infraction. Pour la commercialisation, les mis en cause payeront une amende de 5 000 ouguiyas (7 500 F Cfa) à 500 000 ouguiyas (environ 1 000 000 F Cfa). Tandis que les producteurs s'exposent à une amende oscillant entre 10 000 ouguiyas (environ 17 000 F Cfa) à 1 000 000 ouguiyas (environ 2 000 000 F Cfa).