De Godillot à Poulet d'élevage
"La Gauche est le porte drapeau de la lutte d'émancipation nationale"
D'après Ablaye Bathily, universitaire, professeur d'histoire et leader de la Ligue démocratique, la Gauche est ''née dans le combat contre le colonialisme''. En tant que ''porte-drapeau de la lutte d'émancipation nationale'' au Sénégal. Ses ''figures emblématiques'' qui l'ont fondée historiquement dans notre pays Comme Lamine Senghor et le Soudanais (actuellement Malien) Garang Kouyaté sont considérés comme parmi les fondateurs de La Gauche. Entre les deux guerres (14-18 et 39-45). Le premier, entre les deux guerres, en tant qu'ancien combattant démobilisé, s'est installé en France. Pour mener le combat anti-impérialiste sur le territoire français pour la décolonisation.
Avec le second, Garang Kouyaté, ils fondèrent la ligue de défense de la race nègre. Et à partir de la seconde guerre mondiale, la Gauche a eu d'autres figures emblématiques, dans le cadre du Rassemblement démocratique africain (Rda) de l'Ivoirien Houphouët Boigny. Formation qui était à l'époque le parti le plus radical du mouvement national contre le colonialisme. Ainsi, dans le cadre du Rda, il y avait différents groupes qui se réclamaient de la Gauche.
Entre autres, Abdoulaye Ly qui va fonder, plus tard, le Pra Sénégal, Assane Seck, Abdoulaye Guèye Cabri, Thierno Ba, bref autant de figures emblématiques. Des flancs du Rda naquît sa section territoriale du Sénégal, l'Udes (l'union démocratique sénégalaise-RDA). Ce qui a été le creuset de la Gauche historique après la 2e guerre mondiale jusqu'à la naissance du Parti africain de l'indépendance (Pai) en Septembre 57 à Thiès. Et le Pr Bathily de souligner qu'avec le Pai, ''ça a été la Gauche marxiste, révolutionnaire avec Mahjemout Diop, Me Babacar Niang, Khalilou Sall, Tidiane Baïdy Ly, Seyni Niang, Seydou Cissokho''...
Tous sont membres fondateurs du Pai. À leurs côtés, Alphousseynou Cissé, Mbaye Diack de l'Udes, Makhtar Diack, Amath Dansokho, Magueth Thiam... qui sont aussi des figures emblématiques de la Gauche''. Pour Ablaye Bathily, la Gauche, ce n'est ''pas un individu, c'est un courant d'idées qui a été incarné par toute une série d'individus à différentes époques''.
Quant à la génération des Bathily et autres Mbaye Diack, elle est venue plus tard dans les années 60 avec le mouvement étudiant de mai 68. De jeunes communistes issus du mouvement étudiant du Mepai (mouvement des étudiants et élèves du Pai). Aux côtés de ces étudiants, Il ya eu les syndicalistes Mbaba Guissé, Babacar Sané, Bakhao Seck, Babacar Sokhna. Des militants politiques syndicaux qui vont faire sur le front syndical ce que les étudiants faisaient sur le front estudiantin. Jusqu'à l'avènement des événements de Mai 68 avec les Mamadou Diop Decroix etc, où ces étudiants politiquement engagés ont été exclus de l'Université.
Une bataille idéologique, de principes, qui a continué chez cette Gauche-godillot jusqu'à la fin des années 70 avec le départ de Senghor du pouvoir en décembre 1980. Auparavant, le premier président du Sénégal, anti-communiste primaire, avait, en 1974, reconnu officiellement le PAI comme représentant le courant de la Gauche communiste dans ce qu'''il avait appelé, à l'époque, La ''loi des quatre courants'' (socialiste avec le PS, communiste avec le PAI, conservateur avec le MRS et libéral avec le PDS).
Entre-temps, des flancs du PAI étaient nées plusieurs autres jeunes formations de gauche marxiste-Léniniste tels le Pit (avec Seydou Cissokho, Amath Dansokho...), la LD (avec Babacar Sané, Mbaye Diack, Bathily, Famara Sané...) avec à côté d'autres formations d'obédience maoïste (Avec Landing, Decroix, Alfousseynou Cissé..., et trotskyste (Avec Doudou Sarr, Mahmoud Saleh...). Mais des formations essentiellement confinées dans la clandestinité parce que rageusement combattues par le régime de Senghor. Il a fallu attendre le départ de celui-ci du Pouvoir en 1980 et l'arrivée de son successeur Abdou Diouf pour que la boîte de Pandore soit ouverte avec la fameuse et historique déclaration de Diouf : ''Jakka jaa ngook, kù mën na nodd'' (le micro est libre, que tout muezzin qui le désire vienne appeler à la prière). Depuis lors, les formations de Gauche se sont multipliées comme des petits pains sur le comptoir politique.
Atomisation
La plaie de l'atomisation de la grande famille de Gauche pour des questions d'ordre doctrinal entre Léninistes, Trotskystes, Maoïstes...et qui date des années 70 sous Senghor ne s'est en réalité jamais refermée depuis lors. Si du temps du premier président de la République du Sénégal, les hostilités s'étaient cristallisées sur la personne de Senghor et de son régime qualifié à l'époque de néo-colonial, au départ de celui-ci du pouvoir en 1980, beaucoup d'hommes de Gauche avaient comme mis de l'eau dans leur vin (Bathily, Mamadou Ndoye, Dansokho..). au point d’intégrer, avec leur allié libéral d'alors, un certain Abdoulaye Wade, le gouvernement de majorité présidentielle élargie proposé à l'époque par Abdou Diouf au début des années 90.
Aujourd'hui la Gauche est dispersée, atomisée. Une dispersion, une atomisation qui fait qu'elle apparaît de nos jours sous forme de lambeaux. Répartie qu'elle est actuellement entre les deux familles socialiste et libérale actuelles. Les uns (Decroix le maoïste, Mbaye Diack le léniniste, Aziz Sow le trotskyste)... derrière Wade le libéral dans le Fal 2012. Les autres (Bathily, Dansokho, et Momar Samb les léninistes, Doudou Sarr le trotskyste) derrière Niasse le socialiste dans Bennoo Siggil Senegaal. Landing le maoïste derrière Tanor le socialiste. Samba Dioulde Thiam le léniniste et Mahmoud Saleh le trotskyste derrière Macky Sall le libéral.... Mais le plus inquiétant pour beaucoup d'hommes de Gauche authentiques, c'est l'absence de candidat de cette grande famille idéologique à cette décisive élection présidentielle majeure qui s'annonce.
Pourtant en 2007, la Gauche était bien présente avec les deux candidatures de Bathily et de Landing. Quelqu'un comme le trotskyste Doudou Sarr par exemple a révélé qu'il voulait que la Gauche s'engage pour cette élection de 2012 : ''J'étais pour qu'il y ait un candidat. J'avais parlé avec Dansokho, la seule réserve que j'ai faite, c'était de trouver un candidat consensuel genre Iba Ndiaye Djadji.
Parce que si Iba Ndiaye vivait, il incarnerait cette candidature. Car il était à la fois dirigeant d'un mouvement de masse et membre de la direction du Pit. Il faut trouver un nouvel Iba Ndiaye Djadji'', a proposé Doudou Sarr. Malheureusement la Gauche ressemble aujourd'hui à un troupeau sans berger qui vogue au gré des pâturages.
Les raisons de l'atomisation
Pour le professeur Ablaye Bathily, les raisons de cette atomisation de la Gauche sont d'abord historiques. Il y en a qui tiennent aux orientations idéologiques à l'époque. Entre, par exemple, les dissensions idéologiques au sein du Pai entre ceux qu'on appelait à l'époque de manière abusive les partisans de la ligne pro-soviétique de développement, et ceux de la ligne pro-chinoise.
Et une troisième voie composée par ceux qui ne croyaient pas en ces considérations mais qui étaient sur le terrain. La seconde raison, selon le professeur, est qu'avec la répression sous Senghor et même sous Diouf, ces divisions-là ont été maintenues. Ainsi, ''malgré les efforts, il y a eu une pacification des relations mais on n'a pas pu arriver à fusionner les différents courants''.
M. Bathily souligne que ces divisions-là n'ont plus aujourd'hui un caractère idéologique exacerbé. Mais ce sont plutôt des ''habitudes de travailler ensemble au sein de certains groupes qui ont fait qu'elles ont été maintenues. Mais, depuis une décennie, les gens ont appris à travailler ensemble''. Et d'ailleurs, ajoute-t-il, c'est cela qui est à l'origine de la création, en 2000, du pôle de Gauche. Un pôle qui, malgré ses divisions internes, a pu ''travailler en synergie et faire battre campagne et gagner avec Wade''.
De la Gauche éternel faiseur de roi ou Gauche poulet d'élevage
À ceux qui taxent la Gauche d'éternel faiseur de roi, Ablaye Bathily préfère en rire et déclarer : ''Nous ne voulons pas faire de roi, de toute façon, Y a pas de roi à faire ! Nous voulons construire une démocratie. Pour nous, y a pas de roi car le temps des royaumes est dépassé''. Mais toujours est-il que beaucoup, parmi ses militants ou sympathisants ou encore de simples observateurs de la scène politique locale, n'arrivent pas à comprendre cette stature d'éternels ''partis-remorque'' qui frise un ''manque d'ambition'' notoire dans laquelle semble se complaire cette grande famille de Gauche depuis maintenant plusieurs années, en s'arrimant quasi ombilicalement aux basques des socialistes et des libéraux pour leur servir ''d'escaliers'' vers les sommets du pouvoir.
En 2000, ils (Bathily et Dansokho) avaient préféré, par ''realpolitik'', adouber le candidat libéral Wade et aller le chercher très loin pour le faire revenir. Lui qui avait, depuis longtemps, quasiment renoncé au combat, au lieu, pour des raisons de principes, de proposer un candidat issu de leur propre famille politique. Excepté la Présidentielle de l'année 2007 où Landing et Bathily avaient quand même ''fait le saut'', la Gauche semble, en cette veille de 2012, revenir à ses bonnes vieilles habitudes d'éternel ''faiseur de roi'', de poulet d'élevage destiné à être braisé et servi sur un plateau d'argent à table pour le grand régal au trône des tiers. En effet, tous les autres leaders de Gauche et leurs formations respectives sont dans une ''dynamique de remorque'' appelée candidat de l'unité et du rassemblement à Bennoo ou candidat du Front pour l'Alternative.
Interpellé sur leurs rapports actuels, leur proximité, en tant qu'hommes de Gauche, avec leurs ennemis socialistes senghoriens d'hier, Bathily a déclaré : ''La Gauche, c'est la générosité dans l'action politique...Nous avons un esprit de dépassement''. Et plus loin, à la question relative à la Gauche comme ''éternel faiseur de roi'', il répond également: ''la Gauche fait de la politique de façon différente. Chez nous, il n'y a pas de culte de la personnalité contrairement aux autres partis. Nous sommes plutôt une Gauche d'éclairage du chemin, non une Gauche faiseur de roi''.
Pour le leader de la Ld ''la Gauche est un idéal de société, elle a un rapport à la politique qui est différent des autres familles politiques. C'est une autre manière de faire la politique qui n'est pas la promotion individuelle ou l’auto-promotion.'' Bathily fait remarquer que les partis de Gauche ne sont ''pas organisés autour d'une personne contrairement à beaucoup d'autres partis ''. Mais ''chez nous, c'est différent. ''La Ld ne s'organise pas autour de la personne de Ablaye Bathily. Si je pars aujourd'hui, d'autres continuent. C'est un mode de fonctionnement démocratique. C'est autour d'idées que les gens discutent, débattent. Même si nous nous séparons, c'est autour des idées mais ce n'est pas autour d'une personne..'' Et d'ajouter: ''Aujourd'hui même, si nous n'avons pas de candidat à travers un individu, ce n'est pas parce que la Gauche n'a pas de candidat, qu'elle n'est pas intéressée par la candidature.
La Gauche est intéressée par la transformation de la société. La perception de la Gauche, c'est que ce qui est important, ce n'est pas la promotion de tel ou tel individu mais comment au moment historique donné, on peut mettre en avant un programme dont le peuple sénégalais va être le bénéficiaire''. Bathily trouve qu'en 2000, avec l'Alternance, l'esprit citoyen des Sénégalais a été consolidé. ''Malgré l’échec de Wade sur les plans économique et social, du point de vue des mentalités, les événements du 19 mars 2000 ont complètement bouleversé le rapport des citoyens à la politique et au pouvoir. Donc c'est très important et nous considérons cela comme une victoire.
Et Wade n'en a pas tenu compte, c'est pourquoi il est en train de le payer très cher.''Le leader de la Ld signale qu'aujourd'hui, c'est le même problème. En exemple, il souligne que la plupart des partis de Gauche aujourd'hui qui se réclament de BSS et des Assises nationales, pour ne pas dire tous, soutiennent la candidature de Niasse. Les Assises nationales ont été un progrès considérable dans la perception que les gens ont de la politique et également de la manière de faire la politique et de se comporter en tant que citoyens.. Pour nous, c'est important.'' Et une fois que cet objectif est réalisé, ''nous pouvons nous retrouver nous-mêmes.
Parce que ce ne sont pas nos promotions individuelles que Ablaye Bathily soit nécessairement président pour amener ces transformations-là. Ça peut être n'importe qui d'entre nous''. Donc ''nous, nous dépersonnalisons la politique. Pour nous, la politique, c'est faire réaliser un idéal de progrès. Quels que soient les individus au travers desquels cet idéal de progrès se réalisent''.
La Gauche a t-elle cessé de se renouveler?
A une question reprochant à la Gauche d'avoir cessé de se renouveler, Bathily répond: ''Non, nous n'avons pas cessé de nous renouveler. A preuve, il y a beaucoup de jeunes dans nos instances qui gravissent les échelons, qui occupent des responsabilités (Exp. Seydou Sy Sall, Moussa Sarr à la LD).
Pour le leader de la Ld, la Gauche se renouvelle tous les jours. Le renouvellement de la Gauche se fait ''à travers les changements. Par la pensée d'abord.''Un renouvellement qui ne se fait pas simplement par les postes. Mais dans la ''capacité à anticiper sur les changements qui sont voulus par la société et à s'engager dans ça''. Le leader de la Ld avance que ''c'est la Gauche qui a inventé l'Alternance''.
Et de poursuivre : ''Quand nous avons lancé le mot d'ordre d'Alternance en 2000, c'était quelque chose de nouveau. Nous nous sommes remis en cause, nous avons analysé notre société au moment où beaucoup pensaient que ce n'était pas possible. Ceux qui n'étaient pas de Gauche ne pensaient pas qu'il était possible de battre Abdou Diouf en 2000''. Pendant cinq ans (de 1993 à 1998) Bathily et compagnie étaient dans le gouvernement de majorité présidentielle élargie. Il le justifie en signalant que c'était pour pénétrer le régime socialiste d'alors de l'intérieur et acquérir de l'expérience dans la gestion des affaires de l’État, et voir les possibilités de transformations.
Mais deux ans avant l'Alternance, en 98, ''on s'est dit qu'on est arrivés à la conviction que certainement cette expérience peut servir. Mais qu'on ne peut pas fondamentalement apporter les changements à partir de ce système tel qu'il est. Il faut en sortir et aller vers l'alternance''. Et d'aboutir à la conclusion que ''cette Gauche là, elle invente, les autres suivent.''. Et aujourd'hui encore, ''c'est le même défi qu'on est en train de relever. C'est la Gauche qui a innové en permanence dans la vie politique nationale''. Et de répondre à ceux qui reprochent à la Gauche de ne pas se renouveler que ''ce n'est pas parce que tel individu est à la tête de tel ou tel parti pendant un certain temps, c'est pas ça le problème ! Wade est à la tête du Pds depuis combien de temps ? Abdou Diouf est resté président pendant 19 ans ! Donc qu'est-ce qu'on reproche à la Gauche de ce point de vue là ?''
Le rassemblement de la famille de Gauche est-il possible? La Gauche a t-elle un avenir ?
Ablaye Bathily trouve : ''Non seulement le rassemblement est possible, mais il est souhaitable et nous y travaillons''. Il révèle d'ailleurs qu'il y a plusieurs initiatives qui sont prises. Il y a eu le Mouvement des assises de la Gauche (MAG), mais il y a aussi autour du cinquantenaire du Manifeste du Pai un certain nombre d'initiatives qui ont été prises, et qu'autour de ça on est en train de construire quelque chose.'' Pour Doudou Sarr, ce rassemblement est bien possible mais à condition qu'il y ait à la tête de cette vaste union un leader de type nouveau qui serait assis simultanément dans le milieu ouvrier, agricole ou pastoral et dans l'appareil d'un parti de masse. Des gens comme feu Iba ndiaye Djadji, Ibrahima Sène, Mamadou Cissokho, Mody Guiro de la Cnts...
Quant à l'avenir de la Gauche, Bathily répond : ''Oui, elle a bel et bien un avenir. D'ailleurs l'actualité des idées de Gauche est plus que jamais réelle. Regardez aujourd'hui cette crise financière qui traverse le monde entier. Tout le monde sait que le Capitalisme est obligé de se remettre en cause profondément. Les meilleurs pays qui réalisent le développement capitaliste, c'est la Chine en particulier. Un pays dirigé par un parti communiste, qui est devenu l'atelier du Monde. Et d'ici à une quinzaine d'années, elle va dépasser les États Unis et devenir la première grande puissance du Monde''. Donc ''il y a une conception de la Gauche qu'il faut comprendre en dehors des boîtes. Une perception de la Gauche qui est l'invention permanente à partir des réalités concrètes''. Et de conclure : ''Nous aujourd'hui au Sénégal, en tant que forces de Gauche, nous voulons inventer l'avenir de ce pays à travers l'engagement dans les processus de transformations. C'est pourquoi notre avenir est là. Maintenant ça se fera à l'avenir dans l'unité. Une unité que nous préparons'', a dit le patron de la Ld.
Tour à tour, Doudou Sarr et Ablaye Bathily soulignent que malgré le déclin de la pensée totalisante qui a coïncidé avec la chute du mur de Berlin et l'éclatement de la grande URSS, il n'en demeure pas moins que cette grande famille de Gauche existe encore bel et bien chez nous. La preuve en a été administrée à l'occasion du colloque préparatoire du cinquantenaire du manifeste du PAI du samedi 19 au vendredi 25 novembre passé à la Maison de la culture Douta Seck.
Plusieurs figures marquantes de la grande famille de Gauche appartenant aujourd'hui à diverses formations politiques actuelles avaient fait le déplacement et fait des témoignages émouvants sur leur parcours en tant que militants de toujours de la famille de Gauche. Même si la grande faiblesse de celle-ci est que ses forces sont actuellement très éparses, très dispersées au gré ''d'alliances de circonstances'', comme on l'a souligné ci-dessus.
La Gauche a été écartée et n'a pas été autorisée à exercer, puisque dès août 1960, le Pai a été dissout et ne pouvait plus fonctionner légalement...Ses dirigeants traqués..Et Mahjemout, Dansokho et compagnie ont été contraints à l'exil''. Une réalité que confirme le trotskyste Doudou Sarr pour qui ''la Gauche n'a jamais été aussi forte, mais en même temps elle n'a jamais été aussi dispersée. C'est peut-être cela qui occulte sa force''.
Donc depuis 1960 jusqu'en 81, avec la légalisation des partis, cette Gauche historique n'a pas été reconnue. Excepté Mahjemout qui était en rupture de ban avec cette Gauche non reconnue qui était là et qui a continué la lutte dans la clandestinité, l'autre partie de la Gauche n'a été reconnue que bien après. Cette Gauche-là a été pourchassée, torturée, écartée, exclue du système politique. Donc, d'après Bathily, cette Gauche-là a eu beaucoup de mal à survivre mais elle a continué le combat. Elle a mené la lutte d'émancipation nationale, la lutte pour la démocratie. Et de tous les événements majeurs de ce pays, la Gauche a été à la tête. Il y a beaucoup d'autres partis qui ont bénéficié des luttes de la Gauche pour le multipartisme et tout le processus de démocratisation.
Le leader de la Ld de souligner que si le courant dit libéral, donc le Pds, a pu avoir accès à l'autorisation de fonctionner, c'est-à-dire obtenir la légalisation en 1974, c'est grâce aux ''pressions'' de cette gauche-là. ''Senghor savait bien que son régime ne pouvait plus continuer avec le système du parti unique, ajoute Bathily. Parce que nous, en tant qu'étudiants, les syndicalistes dans la clandestinité, le Pai malgré cette répression, malgré tout ce qu'il a subi comme difficultés, nous continuions de faire pression. Et Senghor était obligé de reculer et donc d''autoriser le multipartisme limité d'abord. Et plus tard, le multipartisme intégral sous Abdou Diouf. Donc cette Gauche là, elle est toujours là''. C'est elle qui est allée chercher Wade et a crédibilisé sa candidature. Donc elle a été le principal facteur du changement en 2000''. À l'origine des difficultés actuelles du régime de Wade, ''elle est à la pointe du combat de tous les nouveaux changements qui sont en train de s'opérer dans le pays.''
Suite et Fin : Entretien avec Moussa Paye journaliste-formateur et Portait croisé de Mamadou Diop ''Decroix'' et Charles Guèye.
Jules Diop et Daouda Gbaya