Publiez ce que vous avez !
Aux termes des lois en vigueur sur la déclaration de patrimoine, les nouveaux dirigeants ont jusqu’à trois mois pour se conformer à la loi sur la déclaration. Qui sont les assujettis ? Quelles sont les sanctions en cas d’inobservation des règles ? Les nouveaux assujettis vont-ils relever le défi de la publication comme le président Diomaye ? Depuis les dernières réformes, l’Ofnac a, en tout cas, l’obligation d’informer l’opinion non seulement sur ceux qui se sont conformés à la réglementation, mais aussi sur les récalcitrants. Des sanctions allant jusqu’à l’emprisonnement peuvent être prononcées contre les délinquants.
Les audits et les rapports, c’est pour les anciens gouvernants, les déclarations de patrimoine pour les nouveaux. Le président de la République a donné l’exemple en faisant sa déclaration avant même d’être élu (une déclaration qu’il devra refaire devant le Conseil constitutionnel). Il lui reste à imposer la même exigence à tous ses collaborateurs. L’objectif, c’est, d'une part, ‘’de prévenir tout risque d'enrichissement illicite des personnes occupant certaines fonctions’’ et, d'autre part, ‘’de satisfaire, selon la loi, au besoin légitime d'information des citoyens sur la situation et le comportement des dirigeants publics, dans un contexte de transparence’’.
Mais qui est concerné par cette déclaration ? Que doit-on déclarer ? La déclaration doit-elle être rendue publique ? Voilà entre autres questions que soulève la problématique.
Instituée par la loi n°2014-17 du 2 avril 2014, deux années après la création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), la déclaration de patrimoine a connu dernièrement, à la fin du régime du président Macky Sall, quelques changements majeurs à travers la loi n°2024-07 du 9 février 2024. Laquelle a permis d’élargir de manière considérable le champ d’assujettissement ainsi que le renforcement des sanctions prévues.
En ce qui concerne les personnes devant procéder à la déclaration de patrimoine, la nouvelle loi énumère : les présidents d'institution de la République (le président de l'Assemblée nationale ; le président du Haut conseil des collectivités territoriales ; le président du Conseil économique, social et environnemental ; le président du Conseil constitutionnel, le premier président de la Cour suprême et le procureur général près ladite Cour suprême). À la suite des présidents d’institutions, la loi prévoit les questeurs de l’Assemblée nationale ; les membres du gouvernement et autres personnalités relevant de la présidence de la République, de la primature et du secrétariat général du gouvernement.
Dans cette dernière catégorie, on notre le Premier ministre, les ministres, le secrétaire général de la présidence de la République, le secrétaire général du gouvernement et le Directeur de cabinet du président de la République.
La liste des assujettis et des biens qui doivent être déclarés
Sont également visés les dirigeants et hauts cadres des sociétés nationales, des établissements publics, des agences d'exécution et autres structures similaires ou assimilées (offices, commissions, délégations, fonds, caisses, entreprises du secteur parapublic, établissements publics à caractère administratif similaires ou assimilés). Il s’agit dans cette catégorie des directeurs généraux ; des directeurs ou chefs de service financier et comptable ou assimilés ; ainsi que des agents comptables. Enfin, devront déclarer son patrimoine tout administrateur de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses et les comptables publics, effectuant des opérations portant sur un montant total annuel supérieur ou égal à un milliard de francs CFA.
Qu’est-ce qui doit être déclaré ? Selon l’article 4 de la loi de 2014, ‘’la déclaration doit comporter toutes les informations relatives aux biens et actifs détenus par la personne concernée, directement ou indirectement’’. Qu’il s’agisse de biens meubles (avoirs bancaires, valeurs en bourse, actifs financiers et autres produits dérivés, actions dans les sociétés de commerce, assurances vie, revenus annuels, de véhicules à moteur, de fonds de commerce, tous autres biens meubles dont la valeur unitaire excède 20 millions FCFA…).
En ce qui concerne les immeubles, ils englobent : les propriétés bâties au Sénégal ou à l'étranger avec description en annexe ; les propriétés non bâties au Sénégal ou à l'étranger ; les immeubles par destination au Sénégal ou à l'étranger. ‘’Outres les éléments de l'actif cités, le déclarant mentionne le passif de son patrimoine incluant les dettes hypothécaires, les dettes personnelles et tous autres engagements qu'il juge nécessaire de signaler’’, dispose l’article 4 de la loi de 2014 à son dernier alinéa.
Pour donner des gages de transparence, l’actuel président de la République qui relève d’un régime différent avait non seulement anticipé sur la déclaration, mais avait pris sur lui de la rendre publique. Pour les personnes susvisées, il n’y a certes pas obligation de publication de leur patrimoine, mais force est de constater que le chef de l’État leur met la pression en ayant lui-même publié sa situation patrimoniale.
Les sanctions prévues par la législation
Si les patrimoines ne sont pas rendus publics par l’OFNAC, la liste des personnes ayant accompli leur obligation de déclaration doit être connue des Sénégalais. ‘’L'Ofnac, selon l’article 12 de la nouvelle loi, publie périodiquement la liste des assujettis ayant déclaré leur patrimoine ainsi que celle des assujettis défaillants par tout moyen approprié’’.
Toutefois, l’article 20 garantit la confidentialité des déclarations : ‘’Les informations contenues dans les déclarations déposées ne peuvent être communiquées qu'à la demande de l'assujetti, de ses héritiers, sur requête des autorités judiciaires ou sur demande motivée des organes et corps de contrôle.’’
Dans le même sillage, l’article 26 estime que ‘’toute personne concourant à (la) mise en œuvre (de la nouvelle loi) est astreinte au secret professionnel’’. ‘’Tout manquement au caractère confidentiel de la déclaration de patrimoine et d'intérêts, toute divulgation ou publication quelconque de son contenu, en totalité ou en partie, toute manipulation ou tentative d'altération ou de modification de son contenu, qu'elle soit le fait de tiers ou de personnes préposées à sa réception, à son traitement, à sa vérification ou à sa conservation, est puni des peines prévues par les lois et règlements’’, renchérit la même disposition, dont la pertinence peut être discutée avec la volonté d’instaurer une loi sur la protection des lanceurs d’alerte.
L’un des objectifs recherchés par la loi n°2024-07 du 9 février 2024 modifiant celle de 2014, c’est de corser les sanctions contre ceux qui seraient tentés de violer les dispositions de la loi sur le patrimoine. En charge du contrôle sur la conformité des déclarations, l’Ofnac assure un contrôle sur ‘’l'exactitude, l'exhaustivité et la sincérité des déclarations’’, de même que ‘’sur l'évolution du patrimoine des assujettis’’.
Il résulte de l’article 21 que : ‘’Sauf cas de force majeure, l'inobservation de l'obligation de déclaration d'entrée ou de mise à jour, après une mise en demeure de l'Ofnac, par exploit d'huissier ou tout autre moyen approprié, restée sans suite au bout d'un mois, entraîne des sanctions’’. Outre les sanctions pécuniaires qui peuvent être prononcées contre certains assujettis, il y a la révocation qui peut frapper certains mis en cause comme les chefs d’exécutifs locaux, le limogeage dans les 30 jours à compter de la notification, si l'assujetti relève des administrations centrale, déconcentrée, décentralisée ou des organismes du secteur public ou parapublic.
Le président, les ministres et DG sortants doivent aussi déclarer leur situation patrimoniale
Selon les termes de la loi modifiée, ‘’tout assujetti qui aura produit une déclaration de patrimoine fausse ou inexacte ou qui aura délibérément omis de déclarer une partie de son patrimoine est passible d'une peine d'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende au moins égale à la valeur du patrimoine incriminé. Tout assujetti qui ne parvient pas à justifier l'évolution de son patrimoine est passible des peines prévues à l'article 163 bis du Code pénal’’.
Ces sanctions n’épargnent pas les sortants qui sont eux aussi soumis à une obligation de déclaration de leur situation patrimoniale au terme de leur mission. ‘’L'inobservation de l'obligation de déclaration de patrimoine à l'entrée et à la cessation de fonction, après une mise en demeure de l'Ofnac restée sans suite au bout d'un mois, est passible d'une peine d'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende représentant le tiers de son dernier patrimoine déclaré’’. La loi précise qu’il ‘’peut être prononcé, à titre complémentaire, l'interdiction d'exercer une fonction publique et élective’’.
Aux termes de l’article 21 de la nouvelle loi, ‘’sauf cas de force majeure, l'inobservation de l'obligation de déclaration d'entrée ou de mise à jour, après une mise en demeure de l'Ofnac, par exploit d'huissier ou tout autre moyen approprié, restée sans suite au bout d'un mois, entraîne des sanctions’’.
MOR AMAR