Une fonction stratégique souvent méconnue
Les récentes nominations de présidents de conseil d’administration (PCA) au sein des structures parapubliques soulèvent des questions sur le rôle des conseils d’administration dans l’organigramme et le contrôle de la gestion des entreprises publiques. Ce rôle crucial des PCA, autrefois confié à des personnalités politiques dotées d’une grande expérience en gestion des affaires publiques, est désormais attribué à des profils divers issus de la société civile et du milieu universitaire.
Dans la dernière vague de nominations, une attention particulière a été accordée aux fonctions de président du conseil d’administration (PCA). Plus d’une dizaine de nouveaux PCA ont été validés lors du Conseil des ministres : Dr Ngouda Mboup (enseignant-chercheur) a été nommé PCA du Port autonome de Dakar ; Meissa Diakhaté (universitaire), PCA du Fonds spécial de soutien au secteur de l’énergie ; Pape Moctar Sarr (ingénieur centralien), PCA de la Société africaine de raffinage (Sar) ; Joseph Sambesene Diatta (professeur assimilé des universités), PCA de Petrosen Holding ; Cheikh Bitèye, PCA de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (Aser), poste vacant ; Mamadou Goudiaby (spécialiste des transports), PCA de la société Dakar Dem Dikk (DDD) ; Othmane Diagne (Master II en droit économique), PCA du Fonds d’entretien routier autonome (Fera), entre autres.
Ainsi, divers profils d’ingénieur, d’universitaire, d’enseignant, entre autres, ont été promus à la tête des conseils d’administration de différentes structures du secteur parapublic. Jadis, en raison de l’importance et de la portée du conseil d’administration des structures parapubliques, le poste de PCA était souvent attribué à des retraités de l’Administration publique ou de l’État dotés d’une grande expérience dans la gestion des affaires publiques.
Mais les nouvelles autorités semblent avoir choisi de nommer des profils plus jeunes, avec moins d’expérience de l’Administration publique. Une telle situation pourrait, pour certains, poser problème, car le conseil d’administration joue un rôle crucial dans les orientations stratégiques des structures étatiques.
En effet, selon plusieurs spécialistes, toute la gouvernance des structures parapubliques et publiques relève du conseil d’administration qui décide de la bonne marche de l’entreprise. Le directeur général prépare et propose une politique de gestion de l’entreprise et de l’entité publique, qui est validée par le conseil d’administration sous forme de résolutions et de recommandations. Le conseil d’administration et son président sont la clé de la bonne tenue du secteur parapublic.
Selon la loi d’orientation n°2022-08 du 19 avril 2022 relative au secteur parapublic, le conseil d’administration des sociétés à participation publique majoritaire est composé d’administrateurs représentant l’État et des actionnaires minoritaires. Concernant le paiement des administrateurs, des indemnités de session, dont le montant est fixé par décret, sont allouées aux administrateurs, tandis que le président du conseil d’administration perçoit une indemnité mensuelle.
Organe décisionnaire de l’entreprise
Selon les experts, le conseil d’administration est l’organe décisionnaire de l’entreprise. Les prérogatives du PCA concernent le budget, l’organigramme, les emprunts nationaux et internationaux, les accords ainsi que la politique d’entreprise. Ces questions ne peuvent être menées par le DG sans l’accord du conseil d’administration, sous peine de sanctions.
Le PCA est nommé pour une durée indéterminée par décret présidentiel et le conseil d’administration est composé de 12 membres au plus. Ces derniers peuvent se faire aider dans leurs tâches par des "administrateurs indépendants" dans les domaines de l’audit, de la gestion et des investissements pour remplir leur rôle de contrôle et de veille de l’entreprise ou de l’entité publique. Le mandat d’administrateur peut également prendre fin par révocation, à la suite d’une faute grave, comme le prévoit la loi d’orientation n°2022-08 du 19 avril 2022 relative au secteur parapublic.
Ainsi, le PCA est une fonction stratégique et la personne nommée doit avoir des connaissances transversales en matière juridique, économique et personnelle. Le PCA doit être aussi bien formé que le directeur général des structures publiques pour mener à bien sa mission de contrôle de l’action des dirigeants de la Fonction publique. Malgré cette séparation des pouvoirs entre le directeur général et le PCA, des conflits peuvent parfois survenir, comme ce fut le cas à l'Ipres en 2018.
Crise à l'Ipres en 2018
Le PCA Racine Sy, en conflit avec le directeur général de l'Ipres, Diagne Sy Mbengue, a été accusé d’avoir instrumentalisé diverses entités membres des syndicats et associations de retraités pour dénoncer la gestion ‘’nébuleuse’’ de Diagne Sy Mbengue. Le responsable politique de Tivaouane de l’époque avait indiqué que si la direction de l’Ipres était épinglée pour mauvaise gestion, le Conseil d'administration en était également responsable, d’autant qu’il validait presque tout.
À la suite de cette querelle, le puissant PCA de l'Ipres avait réussi à obtenir la destitution de Mamadou Diagne Sy Mbengue, qui a été finalement relevé de ses fonctions en octobre 2019, à la suite d'un scandale de détournement présumé de "400 millions F CFA" sur les tickets de restauration au sein de l’Ipres.
Il est donc essentiel de sélectionner les meilleurs profils d’administrateurs pour accompagner les directeurs d’agences et de structures parapubliques dans leur gestion administrative.
En outre, chaque partie doit être consciente de ses prérogatives et ne pas empiéter sur le champ d’action de l’autre afin d’éviter une crise dans le secteur parapublic, qui est essentiel à la bonne marche des politiques publiques.
MAMADOU MAKHFOUSE NGOM