Publié le 8 Nov 2013 - 04:53
POST-POINT PAR MOMAR DIENG

Dakar aux côtés des putschistes

 

Le théorème se vérifie chaque jour sur le plan international : les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts. Abdoulaye Wade l'avait magistralement asséné au Taïwanais Shen Sui Bian, dans une lettre retentissante de franchise et de cynisme lorsqu'il avait flairé tout ce que le Sénégal pouvait tirer en dividendes dans une relation nouvelle avec la République populaire de Chine. Dans un autre contexte, mais suivant la même logique, son successeur à la présidence, Macky Sall, vient de tourner casaque sur le dossier égyptien.

Rappel des faits. Dans l'émotion quasi planétaire qui a suivi le coup d’État en juin dernier du Général Al-Sissi contre le président Mohamed Morsi, un président démocratiquement élu au suffrage universel direct après deux tours de scrutin, le Sénégal avait fini par se joindre au concert de réprobations et de condamnations ayant suivi le pronunciamiento. Après quelques hésitations, et sous la pression feutrée de l'opinion nationale, le président Sall avait exigé le retour à la légalité et à l’État de droit en Égypte. Une démarche courageuse à l'époque saluée comme il se devait, qui contrastait avec les positions politiques de la plupart des États occidentaux, mais était en phase avec la déclaration de l'Union africaine.

Cinq mois plus tard, la politique version cynico-réaliste a fait son retour au cœur de la diplomatie sénégalaise. L’Égypte, puissance arabe et musulmane, est devenue à nouveau fréquentable sur l'échiquier international. John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, était au Caire il y a 48 heures pour recoller les morceaux des chamailleries de la Maison Blanche et du Département d’État avec la junte américanophile qui tient le pays d'une main de fer. Paris et Londres n'ont jamais été gênées par le changement brutal de régime, alors que les monarchies pétro-familiales – sauf le Qatar – avaient fait de la défense de l'administration militaire égyptienne un devoir idéologique fondamental.

Petit pays jouissant d'une bonne réputation et d'une certaine influence dans le monde arabe, le Sénégal a donc choisi de s'arrimer à la remorque de la «communauté internationale» dans une démarche qui manque essentiellement de constance, de cohérence et, pour une fois, de courage. Car si la diplomatie doit être une science de girouette où les orientations subissent la dictature des  événements, il y a à désespérer de l'idée que les hommes politiques se font des vies humaines qui tombent comme des mouches empoisonnées.

 

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