Un fonctionnement au ralenti
Plus d’un mois après la nomination du nouveau gouvernement, c’est encore le statu quo dans la plupart des ministères. Plusieurs bureaux restent vides et le fonctionnement des services repose essentiellement sur les secrétaires généraux. Dans les départements restructurés comme l'Économie, les Finances et le Plan, une nouvelle organisation s’impose.
‘’Le maître-mot, c’est d’avancer (rapidement) certes, mais sûrement’’. C’est en ces termes que réagit ce proche de la présidence, interpellé sur ce qui est présenté par certains comme des lenteurs dans le processus de prise de décision, en particulier dans la nomination des nouvelles équipes dirigeantes. Depuis son installation le 1er avril 2024, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a nommé très peu de personnes au sein de son cabinet. En sus de la reconduction logique du très discret secrétaire général Oumar Samba Ba, le choix de l’expérience avec Mary Teuw Niane comme directeur de cabinet, rares sont les nominations au niveau de la présidence.
Outre le ministre conseiller porte-parole de la présidence Ousseynou Ly, le chef de cabinet Pape Mada Ndour, il y a surtout les collaborateurs militaires, en l’occurrence le médecin du président de la République Khalifa Ababacar Wade et son aide de camp Pape Birane Dièye. Pour ce qui est du poste très stratégique de chef d’État-major particulier, on ne sait pas si Diomaye va maintenir ou non l’amiral Oumar Wade conformément à la tradition. Hier, il a été rendu public la nomination de Fatou Kiné Diakhaté, une responsable du Mouvement national des cadres de Pastef comme directrice de cabinet adjointe.
Au-delà de ces nominations, le nouvel homme fort peut compter sur les fonctionnaires du palais, ceux dont les missions transcendent les hommes politiques qui se succèdent à la tête du pouvoir politique. Par exemple, les éléments de l’Inspection générale d’État, le ministre conseiller diplomatique du président. Avec le départ d’Oumar Demba Ba qui a servi les présidents Wade et Macky, Diomaye a promu celui qui faisait office d’adjoint, Sonar Ngom.
Pour le moment, c’est le cabinet politique qui doit assister le chef de l’État dans la définition et la mise en œuvre de la vision qui est presque totalement absente. Il s’agit notamment des ministres d’État, ministres conseillers, conseillers spéciaux, conseillers techniques, chargés de mission… ‘’La vision, elle est définie par le cabinet du président de la République. Les fonctionnaires, c’est eux le cœur de l’État, mais ils exécutent cette orientation définie par le président de la République avec l’appui des membres de son cabinet. C’est donc très important’’, explique ce haut fonctionnaire.
Le même constat a été fait au niveau de la primature. À date, on n’a parlé que des nominations du SG du gouvernement Ahmadou Al Aminou Lo, du directeur de cabinet du Premier ministre Ibrahima Guèye, de son chef de cabinet Djiby Guèye (Père Djiby)… ‘’Il y a environ une dizaine d’anciens collaborateurs d’Amadou Ba, en particulier les conseillers spéciaux, qui continuaient de venir, mais ils ont été remerciés la semaine dernière. Actuellement, les bureaux sont vides’’, confie un de nos interlocuteurs, non sans relever qu’il y en a qui ont été maintenus à leur poste. ‘’D’autres n’ont pas attendu, ils avaient déjà quitté avec le départ de leur ancien patron’’.
Les mêmes tendances sont notées au niveau des ministères. Là également, ils sont rares les départements à mettre en place leurs cabinets. Au ministère des Affaires étrangères, par exemple, l’on nous signale que la nouvelle ministre n’a même pas encore de directeur de cabinet. Pour le reste du cabinet, pas grand-chose à signaler.
D’ailleurs, nos informateurs mettent en garde contre les bourdes qui se multiplient dans ledit département et qui pourraient engendrer des dysfonctionnements nuisibles à la politique diplomatique du Sénégal.
Au ministère de l’Économie et du Plan non plus, il n’y a pas encore de directeur de cabinet. Et selon certaines informations, le SG Allé Nar Diop aurait été nommé ministre conseiller chargé du Bureau d’intelligence et de prospective économique (Bipe), une création du nouveau régime.
Pour le moment, Abdourahmane Sarr travaille avec les équipes de son prédécesseur et quelques directeurs trouvés sur place.
Au ministère de la Culture, le secrétaire général Habib Léon Ndiaye se tourne plutôt les pouces, selon nos sources. Avec la fusion (Jeunesse, Sports et Culture), il s’est retrouvé presque au chômage technique. On signale qu’il a déjà fait ses bagages et n’attend que son affectation. ‘’Il n’est même pas au fait des activités, c’est souvent les gens qui l’informent’’, renchérit notre interlocuteur.
Pour le moment, l’ancien cabinet est parti et laisse les bureaux quasi vides. La nouvelle ministre de tutelle a toutefois nommé son directeur de cabinet, mais plusieurs postes restent vacants ou occupés par les anciens. Cet agent revient sur les raisons de ces lenteurs dans le choix des conseillers techniques. ’’Pour les conseillers techniques, souligne-t-il, il faut une enquête de moralité, à moins qu’on veuille reconduire les anciens. Je pense que c’est ce qui retarde un peu les choses’’.
En l’absence de nouvelles équipes, la plupart des ministères sont gérés par des équipes restreintes, grâce à l’appui précieux des Dage et des SG. Ces derniers étant considérés comme la mémoire des ministères. Sur leurs épaules repose donc l’essentiel du travail.
Interpellé, le proche de la présidence justifie le rythme par la volonté de ne pas verser dans le ‘’dégagisme’’. ‘’Ils (Diomaye et Sonko) n’ont pas voulu installer un climat de ‘dégagisme’ dans le noyau de l’appareil d’État pour que les choses se poursuivent sans interruption majeure. Et puis, il faut savoir que les SG et la majorité des Dage sont encore sur place’’.
Selon lui, l’État doit faire face à beaucoup d’urgences et qu’il serait un peu hasardeux de s’aventurer sur le chemin d’un grand nettoyage. ‘’Vu les urgences, dégager tout en même temps peut avoir des répercussions sur le fonctionnement des structures. On a la campagne agricole qui arrive, la Tabaski, le pèlerinage, les examens, l’hivernage et les inondations, etc.’’, précise-t-il non sans ajouter : ‘’Il y a surtout la baisse des prix qui est très attendue.’’
Par ailleurs, analyse notre source, il y a des nominations qui ont été faites surtout dans des postes stratégiques. Il donne l’exemple des nominations au niveau de la Banque agricole et la BNDE. ‘’D’autres structures vont suivre progressivement en fonction de l’urgence et des priorités d’actions du gouvernement’’.
MOR AMAR