Amadou Ba s’explique devant les partenaires financiers et techniques du Sénégal
Le Premier ministre a rencontré, hier, le Groupe élargi de concertation et de coordination des partenaires au développement du Sénégal (G50) pour une séance d’explication sur l’actualité résumée autour des prévisions économiques du Sénégal pour 2023 et du rapport de la Cour des Comptes sur le contrôle de la gestion du fonds de riposte de la Covid-19.
S’il n’a pas jugé urgent de répondre aux interpellations introduites par des représentants du peuple à l’Assemblée nationale, le gouvernement s’est expliqué devant les partenaires financiers et techniques du Sénégal sur les questions d’actualité. Bien qu’il n’ait pas été le seul sujet évoqué, le rapport de la Cour des Comptes sur ‘’le contrôle de la gestion du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Force Covid)’’ a grandement contribué à la tenue, hier, d’une rencontre inédite entre le Premier ministre et les partenaires au développement.
Amadou Ba s’est entretenu avec le Groupe élargi de concertation et de coordination des partenaires au développement du Sénégal (G50) au ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur.
La publication du rapport de la Cour des Comptes, le 12 décembre 2022, a déclenché un tsunami médiatique, suite aux faits de mal gouvernance notés et des recommandations de poursuites judiciaires à l’encontre de fonctionnaires soupçonnés de détournement de fonds publics.
D’ailleurs, les PTF n’ont pas évité la question. Leur porte-parole du jour, Siaka Coulibaly, Coordonnateur résident du Système des Nations Unies au Sénégal, a dit la satisfaction de partenaires extérieurs de la publication du rapport de la Cour des Comptes. ‘’Nous espérons que la mise en œuvre effective des recommandations contribuera à la consolidation de la transparence et de la redevabilité’’, assure le président du Comex (Comité exécutif).
Les partenaires étrangers espèrent ‘’la mise en œuvre effective des recommandations’’ du rapport
Les plus grands partenaires bilatéraux, multilatéraux et financiers (les États-Unis, la France, l’Union européenne, l’ONU, la Banque mondiale, le FMI etc.) ont participé à cette rencontre hautement stratégique pour le gouvernement. L’occasion pour eux d’indiquer que ‘’le renforcement de la reddition des comptes reste primordial pour garantir la transparence et la redevabilité dans l’exécution des projets et programmes, mais aussi et surtout pour rassurer les citoyens sur l’utilisation optimale des ressources publiques en faveur de l’amélioration de leurs conditions de vie’’.
Le 23 décembre dernier, le ministre de Finances et du Budget, Mamadou Moustapha Ba soulignait que ‘’sur les 1 000 milliards F CFA du Programme de résilience économique et social (Pres), les manquements relatés par la Cour des Comptes et pour lesquels une suite judiciaire est recommandée, portent sur un montant de 6 686 784 410 F CFA, soit 0,7 % du montant total décaissé’’. Les observateurs en avaient conclu une volonté de l’Etat de minimisé les montants incriminés.
Hier, Amadou Ba a ‘’réajusté’’ ces propos et affirmé que quels que soient les montants sur lesquels portent les manquements, ‘’la dilapidation des ressources publiques constitue toujours un acte extrêmement grave et, de surcroît, en temps de crise sanitaire. De telles pratiques, si elles sont avérées, heurtent l’éthique et n’honore pas notre Administration’’.
Amadou Ba évoque une manipulation de l’information
Le chef du gouvernement a ensuite évoqué ‘’la désinformation et la manipulation de l’information’’, comme des ‘’façons de faire qui sont toxiques pour la démocratie’’. Cela ne l’empêche toutefois pas de comprendre ‘’la forte passion exprimée par une certaine partie de la population pour engager rapidement les poursuites pénales contre les auteurs de faits présumés de fautes de gestion’’, comme un fort besoin de justice sociale et d’égalité.
Mais le gouvernement ne fera pas dans la précipitation et compte s’inscrire dans un temps structuré. À l’image de la Cour des Comptes qui ‘’a mis le temps qu’il fallait pour analyser et formuler des recommandations, le gouvernement exploite le rapport en vue de le mettre en œuvre de la meilleure manière, dans une ligne de temps cohérente. Les recommandations de la Cour des Comptes font actuellement l’objet d’étude par les départements sectoriels concernés, sur la base des trois orientations majeures qui concernent respectivement les réformes juridiques et institutionnelles à initier, les bonnes pratiques à promouvoir et la mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires’’, promet Amadou Ba.
Le gouvernement compte prendre son temps dans l’application des recommandations
Plus important, le Premier ministre a assuré aux partenaires financiers et techniques qui ont grandement contribué à la mise en place du fonds Covid-19 que ‘’le gouvernement va se servir du rapport de la Cour des Comptes pour améliorer l’action de l’État’’. C’est ainsi qu’il compte ajouter au projet de réforme du Code des marchés publics déjà adopté, des améliorations visant ‘’le système de la commande publique, pour plus de transparence, sur la base des recommandations de la Cour des Comptes, notamment en ce qui concerne l’amélioration du système de pilotage et de l’exécution des dépenses publiques’’.
Aussi, le ministre des Finances va coordonner l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques recensées pour sensibiliser les agents de l’Administration sur le respect des règles, formalités et procédures, notamment en matière de transparence. Amadou Ba ajoute que ‘’certaines recommandations vont servir de base, au nom de la redevabilité ou la reddition des comptes, à la mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires publics’’. Ces recommandations seront adressées au ministre de la Justice.
Le 9 janvier 2023, le Conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé la sixième et dernière revue du programme au titre de l'Instrument de coordination des politiques (ICPE) et les troisièmes et dernières revues de l’accord au titre de l'Accord de confirmation (AC) et de la Facilité de crédit de confirmation (FCS). L'achèvement des revues permet le déblocage immédiat d'environ 133 milliards F CFA au Sénégal.
Les partenaires approuvent les hausses de l’électricité et du carburant
En acceptant cet argent, le gouvernement devra revoir sa politique de soutien à l’économie nationale. C’est ainsi qu’il s’est engagé à accélérer l'assainissement budgétaire pour contenir le déficit budgétaire de 2023 en dessous de 5 % du PIB. Pour réduire les subventions à l’énergie en 2023, les autorités sénégalaises ont décidé d'augmenter certains prix de l'électricité et de carburants.
En outre, le gouvernement a publié une feuille de route visant à supprimer progressivement les subventions à l’énergie d'ici 2025. Ces ‘’efforts et le courage du gouvernement dans cette prise de décision difficile’’ ont été salués par les partenaires, car ‘’nécessaires’’ pour alléger le poids fiscal des subventions de l’énergie sur l’économie du pays.
D’autres choses que le gouvernement a promis aux partenaires : la refonte en profondeur du système fiscal. Sans oublier la réécriture du Plan Sénégal émergent impliquant la nouvelle stature du Sénégal, pays pétrolier et gazier, sera finalisée au courant du premier semestre de cette année.
Saluant les ‘’efforts de dialogue’’ du gouvernement avec les acteurs du développement, dont la société civile qui a été récemment reçue par le Premier ministre, les représentants du G50 ont rassuré le gouvernement que les partenaires au développement restent ‘’aux côtés du gouvernement et à vos côtés pour que la vie de chaque Sénégalaise et Sénégalais s’améliore davantage au quotidien’’.
Lamine Diouf