Le Sénégal perd plus de 2 milliards francs CFA par an
La capitale du Nord accueille depuis hier un atelier international sur le thème de l’élevage face à la problématique du vol de bétail en Afrique de l’Ouest. Rencontre au cours de laquelle, le représentant de la FAO au Sénégal a rappelé que ce fléau affecte l’économie mais aussi la sécurité et le bien-être des éleveurs et agropasteurs et qu’il nécessite une action concertée et des solutions innovantes pour le combattre.
L’élevage joue un rôle central dans l’économie des pays ouest-africains avec une contribution au PIB agricole allant parfois jusqu’à 44% porté par des effectifs importants de bovins, de petits ruminants et de volailles. Ce qui fait de l’Afrique de l’ouest une région d’élevage par excellence par rapport à l’effectif total de l’Afrique selon des études de FAOSTAT publiées en 2021. Malheureusement, la sous-région vit une véritable problématique de vol de bétail qui constitue une grave menace au développement de l’élevage dans la sous-région. D’ailleurs, les pertes annuelles dues au vol de bétail, bien que difficiles à cerner pour certains pays, sont estimées à 478 millions de dollars au Nigeria, 132 millions de dollars au Mali (2017-2022) et à 3,2 millions de dollars par an au Sénégal soit plus de 2 milliards de francs CFA.
Pour la représentante du ministre de l’Elevage, Dr Astou Fall, le vol de bétail en Afrique de l’Ouest est un fléau qui, bien que souvent sous- estimé, entraîne des répercussions profondes sur la stabilité et la cohésion sociale des communautés, mais aussi sur la sécurité nationale, l’économie et la souveraineté alimentaire et nutritionnelle. « Rien qu’au Sénégal, la perte annuelle est estimée à plus de deux milliards de FCFA par an contribuant à saper ce secteur qui contribue à 4% du PIB national du secteur primaire. L’élevage a toujours été une activité centrale en Afrique de l’Ouest depuis des siècles et les communautés locales dépendent du bétail non seulement pour leur subsistance, mais aussi en usent comme symbole de richesse et de statut social. Le bétail joue un rôle clé dans l’économie régionale», a soutenu la responsable de la cellule de lutte contre le vol de bétail au ministère de l’Agriculture et de l’Elevage.
Le Sénégal joue un rôle avant gardiste dans la lutte
Avant d’ajouter qu’outre cet impact macroéconomique, le vol de bétail dans la sous-région est passé d’une pratique relativement non violente impliquant le vol d’un petit nombre de bovins à un crime organisé caractérisé par des niveaux élevés de violence mortelle par des groupes armés et fonctionnant comme un élément central de l’économie de guerre dans plusieurs pays. «Ces dernières années, la dynamique du vol de bétail a connu des changements importants au Nigeria et au Mali, deux des plus grands producteurs de bétail d’Afrique de l’Ouest et épicentres du vol de bétail, l’économie illicite étant désormais à un point clé de son évolution. Les éleveurs, craignant pour leur sécurité, sont parfois contraints de migrer vers des zones plus sûres, ce qui entraîne des déplacements de population et des tensions supplémentaires avec les communautés d’accueil. Pis, il peut arriver que certains, pour protéger leurs biens, s’arment eux-mêmes, renforçant les tensions inter et intracommunautaires », a poursuivi Dr Astou Fall. Face à cette situation contextuelle des enjeux et des défis de lutter contre le vol de bétail, le ministère de l’Elevage compte sur les réflexions pour identifier toutes les initiatives qui ont été mises en place à différents niveaux dans par les ministères, les Collectivités locales, les organisations professionnelles d’élevage et le secteur privé. Pour la représentante du ministre Mabouba Diagne, il faut réunir les forces en mettant en place une coalition sous-régionale contre le vol de bétail afin de fédérer les efforts des organisations spécialisées existantes dans les Etats de l’Afrique de l’Ouest, à l’image de ce qui se fait avec les interprofessions laitière et viandes rouges. « Cependant, dans le contexte ouest-africain marqué par la mobilité et la transhumance liées à l’élevage pastoral extensif dominant à la recherche de parcours et d’eau, exacerbé par le changement climatique et l’insécurité au Sahel, une solution adaptée à l’Afrique de l’Ouest est nécessaire. Raison pour laquelle, je vous exhorte à y réfléchir en impliquant l’Université Gaston Berger et d’autres Institutions de la sous-région, au besoin. Même si notre pays, le Sénégal, a joué un rôle avant-gardiste concernant ce fléau pour avoir renforcé le cadre légal avec la loi n° 2017-22 qui a durci les sanctions pour les auteurs de vol de bétail, la mobilisation des forces de défense et de sécurité, la sensibilisation et la mobilisation communautaire avec la création de comités de lutte contre le vol de bétail », a déclaré Dr Fall.
Les vols ont appauvri les petits éleveurs
Pour le représentant de la FAO, Dr Lionel Gbaguidi, la perte de bétail due au vol peut donc entraîner des conséquences dévastatrices, plongeant des familles entières dans la précarité et perturbant l’économie locale. « Ceci pose la problématique de relever les défis actuels liés au vol de bétail en Afrique de l’Ouest dans un contexte où la lutte contre ce mal nécessite l’utilisation de technologies modernes pour répondre à ce phénomène transfrontalier qui tend à se généraliser dans notre région. Parce qu’il est aujourd’hui difficile d’appréhender les voleurs et de récupérer le bétail volé, sans possibilité de traçage en temps réel», a signalé le coordonnateur du bureau sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest. C’est pourquoi, il a invité les Etats, organisations professionnelles, éleveurs, forces de défense et de sécurité, universitaires et secteur privé à s’impliquer pour relever le défi afin de réduire les conflits intercommunautaires et les déplacements de populations engendrés par ce fléau. Au nom des organisations faîtières, El Aboubacry Biteye a soutenu que le vol de bétail a augmenté la paupérisation des petits éleveurs sans défense et particulièrement des groupes vulnérables, sans défense et isolés par leurs systèmes de production extensifs. Il faut signaler que la rencontre a vu la participation de délégations d’universitaires et d’éleveurs maliens.
IBRAHIMA BOCAR SENE SAINT LOUIS