Publié le 29 Sep 2023 - 23:39
CANDIDATURES AU SEIN DE BENNO

La guerre des tranchées

 

La multiplication des candidats ‘’dissidents’’ est un coup rude pour le camp présidentiel qui a choisi comme candidat officiel Amadou Ba. Dans une élection présidentielle qui s’annonce ouverte et indécise, chaque voix va compter pour les candidats qui passeront le ‘’cut’’ du parrainage. 

 

 

Les ambitions au sein de Benno (unis pour la victoire, en français) vont-elles, à terme, nuire à la coalition présidentielle ? Quand on sait qu’il y a des théoriciens des candidatures multiples. En tout cas, le président Macky Sall, lui, tient à l’unité de la coalition Benno Bokk Yaakaar. ‘’Quiconque déclare sa candidature alors qu’il appartient au parti ou à la même coalition ne fait plus partie de notre organisation politique, car ne s’étant pas conformé au choix entériné’’, prévient-il.

 Mais cette mise en garde n’a pas endigué la déferlante de candidatures.

Les candidats rebelles issus de la coalition présidentielle semblent déterminés à aller au bout de leur logique. Le choix d’Amadou Ba a ainsi cristallisé des pôles d’opposition autour d’Aly Ngouille Ndiaye et Mahammad Boun Abdallah Dionne, tandis que Mame Boye Diao et Arouna Coumba Ndoffène Diouf, de leur côté, semblent vouloir faire cavalier seul. Il y a aussi Birima Mangara, ancien ministre du Budget, qui a déclaré sa candidature hier (voir ailleurs).

Ainsi, les limogeages, les pressions et les intimidations paraissent impuissants à freiner les ambitions présidentielles des candidats dissidents. Si Macky Sall a su manœuvrer pour éviter la rébellion d’Abdoulaye Daouda Diallo qui aurait pu affaiblir la mouvance présidentielle, le coup de poignard est venu de Mahammad Boun Abdallah Dionne, l’ancien ‘’Fedayin’’ du président qui a décidé de se rebeller en s’affranchissant de la tutelle de son mentor.

Le parrainage, le révélateur des forces en présence au sein de BBY

L’ancien Premier ministre, qui paraît inébranlable dans sa décision, a refusé de se ranger derrière le candidat officiel de la coalition Amadou Ba.  Pour le régime, le meilleur moyen de ramener les brebis galeuses dans les rangs serait de les coincer au niveau du filtre du parrainage. Le démarrage du processus de collecte des parrainages, qui a débuté le 27 septembre dernier, risque de constituer un révélateur des vraies forces en présence au sein de Benno Bokk Yaakaar.

Il s’agira, pour le régime, de verrouiller le parrainage d’élus, soit 13 députés, ou celui des 120 maires et présidents de conseil départemental nécessaires pour voir sa candidature validée par le Conseil constitutionnel. L’objectif du pouvoir serait de les forcer à avoir recours au parrainage citoyen, soit 0,6 % du nombre de citoyens inscrits sur le fichier électoral avec un fort risque d’invalidation de leurs candidatures.

Une situation pleine d’incertitudes pour les dissidents qui verraient leurs ambitions se briser, dès la première étape de la Présidentielle. Et s’ils réussissent à dépasser l’étape du parrainage, ils pourraient fortement nuire à la candidature d’Amadou Ba.

Une division interne qui menace l’unité de BBY

Par ailleurs, le président de la République, qui est à quelques mois de la fin de son second mandat, semble être rattrapé par le symbole du ‘’Lame Duck’’ (canard boiteux). Ainsi, son autorité risque de s’effriter au fil des prochains mois, reflétant l’image d’un homme incapable de faire respecter ses directives par ses anciens lieutenants.

Amadou Ba, qui a entamé sa précampagne électorale, joue pour l’heure la carte de l’unité, en appelant ses camarades à faire corps autour de lui pour les intérêts vitaux de Benno.  

Le Premier ministre aura fort à faire pour asseoir sa légitimité face à ces camarades ‘’apéristes’’. De ce fait, la coalition BBY, qui a vu le jour en 2012 et qui apparaît comme favori pour le scrutin présidentiel, avec les incertitudes autour de la candidature d’Ousmane Sonko, risque de voir ses chances de victoire s’amenuiser.

La guerre des diverses entités au sein de Benno risque de nuire au candidat Amadou Ba et de fragiliser la mouvance présidentielle en vue du scrutin de février 2024.

Les risques de démobilisation des électeurs de Benno 

Pour le journaliste Ibrahima Bakhoum, cette guerre de positionnement des différents candidats de Benno peut déboucher sur divers scénarios allant de l’abstention à la dispersion des voix aux dépens du camp présidentiel. ‘’Face à cette division, les électeurs pourraient choisir la voie de l’abstention, au regard de la cacophonie notée au sein de Benno. Par ailleurs, l’autre risque d’une multiplication des candidatures est la dispersion des voix aux dépens de Benno, avec des électeurs qui n’arrivent pas à choisir entre Amadou Ba et Cie. Néanmoins, en cas de qualification d’Amadou Ba au second tour, certains électeurs attachés à Macky Sall pourraient être tentés par la volonté de faire l’union sacrée autour du candidat choisi par Macky Sall’’, souligne l’ancien directeur de publication de ‘’Sud quotidien’’.

D’après notre interlocuteur, la perception sénégalaise de la politique considérée comme une entreprise qui assure à ses pratiquants une construction sociale et financière, a fini de saper l’autorité de Macky Sall en fin de mandat. ‘’Des gens au sein de la coalition ont clairement fait comprendre à Macky Sall qu’ils devraient s’affranchir de son autorité, dans la mesure où il n’était plus partant pour la Présidentielle. En outre, les chefs qui ont tous les pouvoirs se trouvent facilement des admirateurs, mais dès la perte d’autorité ou d’influence du président, ses collaborateurs n’ont pas hésité à jouer leur carte personnelle pour assouvir leurs ambitions’’, soutient-il.

L’autre écueil sur le chemin du candidat de BBY est la constitution de l’axe Aly Ngouille Ndiaye- Mahammed Boun Abdallah Dionne. En effet, ces deux leaders, s’ils font front commun, peuvent être des réceptacles de la frustration de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le choix Amadou Ba. Auquel cas, l’érosion de l’électorat du candidat de BBY peut amenuiser ses chances de se qualifier au second tour. L’hypothèse d’une élection au premier tour étant devenue irréaliste, dans une élection présidentielle aussi ouverte qu’indécise. 

Amadou Fall

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