Des «bureaux spéciaux» dans les commissariats et les brigades de gendarmerie
Y a-t-il recrudescence des violences basées sur le sexe ? Le débat a été posé hier à l'atelier de partage de l'étude sur «Les violences basées sur le genre» réalisée par la coordonnatrice du Groupe d'études et de recherche genre et sociétés (Gestes).
Une étude de plus sur les violences basées sur le genre. Cet ouvrage édité en partenariat avec le Codesria, l'Onu-femme et l'Unesco, a permis aux femmes de dégager de nouveaux axes stratégiques en vue de contrer le fléau. Elles ont ainsi décidé de changer de fusil d'épaule en ayant comme cible les hommes dans leur campagne de sensibilisation. Et dans la palette de recommandations soumises au ministre de la Femme, de l'Enfance et de l'Entrepreneuriat féminin, l'accent a été mis sur la nécessité de re-politiser le mouvement des femmes afin que «les préoccupations féminines figurent dorénavant dans l'agenda politique de l'Etat». Quitte aussi à ce que les députés consacrent souvent des séances à cette question.
L'atelier sur les violences basées sur le genre, un concept à large définition et à caractère universel, a été le prétexte pour plaider en faveur du renforcement d'une justice de proximité face à un phénomène qui prend de l'ampleur, encouragé par une «lecture étriquée des textes islamiques» et par «le poids de la tradition». Pour Maréma Touré Thiam, il faut déplorer que ces violences aient leur soubassement dans le patriarcat. Conséquence : «Personne n'est à l'abri.»
L'occasion a été saisie par les associations de femmes pour susciter de nouvelles pistes de réflexion et d'action en vue de contrecarrer «le fléau». D'ailleurs, dans son rapport, Fatou Diop Sall, coordonnatrice du Groupe d'études et de recherches genre et sociétés (GESTES), a exposé une suggestion des femmes. Elle consiste à mettre en place dans les commissariats de police et des brigades de gendarmerie des bureaux spéciaux. Ceux-ci, dirigés par des femmes, entendraient les plaignantes de violences. Pour justifier ce sexisme, l'étude révèle que «la justice sénégalaise est un véritable labyrinthe pour la femme victime de violence. Parfois à la police ou à la gendarmerie, les agents nous taxent de négligentes et de provocatrices. Cela fait extrêmement mal».
Entre lois et réalités du pays
Pour le Dr. Rosalie Diop, sociologue, il faut dans tous les cas prendre en considération les réalités du Sénégal des profondeurs. «Dans ces localités, les populations préfèrent recourir aux lois communautaires, contournant les procédures judiciaires. Elles se tournent toujours vers le chef de village quand elles sont à bout.» Selon la chercheuse, «il y a une méconnaissance des lois, il est temps de se demander si elles sont réellement en phase avec les réalités du pays».
Par ailleurs, il semble que des mécanismes de reporting et de prise en charge aient donné au phénomène des violences basées sur le genre plus d'ampleur qu'il n'en avait dans le passé. Le pluralisme médiatique est passé par là, souligne Rosalie Diop. «Il est fort possible que les générations de nos mères aient subi plus de violences que la nôtre, dit-elle. Les nombreux cas reportés par la presse montrent qu'on est sur la bonne voie, que les choses s'améliorent (car) les dossiers ne sont plus étouffés et les viols sortent de l'espace privé.»
Face à la faiblesse institutionnelle des structures en charge des victimes de violence mais en manque de ressources et de personnel qualifié, la ministre de la Femme, de l'Enfance et de l'Entrepreneuriat féminin, Mariama Touré, a réitéré sa volonté d'approfondir le partenariat déjà enclenché et à accompagner les initiatives.
Matel BOCOUM
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