Publié le 11 Jul 2024 - 17:25
ÉQUITÉ DANS L'ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ EN AFRIQUE DE L'OUEST

Que d’inquiétudes !

 

Dans le cadre de sa série de débats publics soutenus par le National Endowment for Democracy (Ned), Ouestaf News a organisé, hier, un débat en ligne portant sur l’équité dans l’accès aux soins de santé en Afrique de l’Ouest, modéré par Ahmeth Tidiane Sy. Ce débat a réuni des acteurs clés de divers secteurs pour discuter des défis et des solutions visant à garantir un accès équitable aux soins de santé pour tous les citoyens de la région.

 

‘’L’équité en santé, c’est de s’assurer que chaque individu ait la possibilité d'atteindre son meilleur potentiel, sans que cela ne soit influencé ni par sa position économique ni par sa situation géographique’’. Telle est l’explication du médecin spécialiste de santé sociale Moumini Nianoné du Burkina Faso.

En outre, l’accès équitable à la santé nécessite des politiques inclusives et un accès égal aux services de santé pour tous.  

C’est donc autour de cette question que différents panélistes sont intervenus.

Le médecin Moumini explique que le continent africain fait face à plusieurs maladies et le Burkina Faso est l’un des pays de l’Afrique de l’Ouest touchés. "Le Burkina Faso est confronté à une double charge de maladies transmissibles et non transmissibles. Le VIH/sida et le paludisme affectent encore une grande partie de la population, notamment les enfants de moins de six ans. En parallèle, les maladies non transmissibles telles que le diabète et les maladies cardiovasculaires commencent à devenir des préoccupations majeures’’. Précisant que cette situation est exacerbée par des inégalités flagrantes entre les zones urbaines et rurales. "Les centres de santé et les spécialistes sont principalement concentrés dans les zones urbaines, laissant les zones rurales avec peu de ressources. Cela crée une inégalité d'accès aux soins de santé, où les populations rurales sont souvent les plus vulnérables. En milieu urbain, les infrastructures sont meilleures et les services de santé plus accessibles, tandis qu'en milieu rural, les habitants doivent parcourir de longues distances pour recevoir des soins médicaux de base", explique Moumini Nianoné.

Au bout de sa prise de parole, il indique que l’aspect économique serait également un facteur boostant cette inégalité. "Les dépenses de santé par habitant au Burkina Faso sont extrêmement faibles. En moyenne, moins de 40 dollars par an sont dépensés pour chaque personne, comparativement aux 5 000 dollars dans les pays développés. De plus, poursuit-il, ‘’une grande partie de ces dépenses est supportée par les ménages eux-mêmes, ce qui accentue encore les inégalités. Les familles à faible revenu sont souvent incapables de couvrir les coûts des soins de santé, ce qui aggrave leur situation de pauvreté".

Des interventions mises en place en vue de faciliter l’accès à l’équité sanitaire

Certaines sanctions du gouvernement ont été très appréciées. En effet, ‘’quelques interventions de l’État ont été salutaires. Quand vous prenez par exemple la gratuité des soins pour la femme enceinte et  les enfants de moins de 5 ans. C’est un impact important en termes de réduction de la mentalité’’, souligne le docteur Abdoulaye Guindo, secrétaire général de la Santé au Mali et panéliste du débat.  Il explique que cette initiative est un facteur d’amélioration. ‘’Il y a eu beaucoup de bienfaits, du fait qu'on a permis l’accès aux soins aux femmes enceintes et aux enfants. Donc, un engagement politique est un facteur essentiel dans l'amélioration de cette situation d'inégalités’’.

Cependant, il rappelle que le système de santé est orienté vers une promotion de la santé. Soulignant en exemple l’organisation d’une biomédicale. ‘’Nous sommes focalisés dans la lutte contre la maladie et pas dans la promotion de la santé, car ces deux choses ne sont pas antagoniques’’, explique- t-il. ‘’Dans chaque village, au moins deux personnes qui ont un bon système de santé font des activités. Nous constatons que ça ne suffit pas, car toutes les infrastructures de santé dont nous parlons avec les acteurs, si elles sont optimales, impactent la santé au maximum à 20 %. Tout le reste se trouve dans ce que nous mangeons, le travail que nous avons, l’eau que nous buvons, l'éducation que nous avons et nos statuts sociaux. Et tout cela représente 80 %’’.

Pour le SG, la santé est quelque chose de très important à encourager. ‘’Il faut dire que nous devons aller voter justement pour la lutte contre la maladie et avoir des interventions qui permettent une certaine équité dans la distribution des ressources’’. Indiquant par la suite que les systèmes sont parfois politiques. ‘’On a implanté tel centre de santé et non en fonction de la population. Les priorités de cela sont souvent : on a le logement. C’est un facteur très négatif à la santé des populations. Beaucoup d'efforts sont faibles. Je pense qu'il doit y avoir beaucoup plus d'interventions qui permettraient d’autonomiser les communautés’’.

Par ailleurs, il préconise un tout autre mécanisme : ‘’Voyez-vous, moi,  je préfère qu'on puisse mettre en place un mécanisme qui permette à quelqu'un de ne plus avoir besoin d'une carte d'identifiant que d'avoir une carte perpétuellement, parce qu’il est dans un système qui le maintient dans cette situation de pauvre. Et donc, la grande distribution des ressources d’organisation, des opportunités, doit être faite pour que n'importe qui, peu importe où il est, puisse avoir accès aux opportunités de son pays de fait et de droit’’, conclut-il.

Des propositions et des recommandations faites

Travailler en complémentarité pour venir à point de l’équité est une recommandation du docteur Kefilah Bello du Bénin. ‘’Je pense que le système de santé à lui seul ne peut pas régler cette situation, parce que la maladie et la santé vont au-delà d’un secteur. Il faut intégrer les autres. Le gouvernement devrait travailler ensemble et malheureusement quand vous regardez, les ministères travaillent parfois en solo et en silo. On doit encourager une collaboration intersectorielle et une collaboration entre les acteurs pour régler les problèmes de façon holistique et non de façon morcelée’’, dit-elle.

À cet effet, l'utilisation efficiente des ressources est d’autant plus nécessaire pour les pays ouest-africains. ‘’Le Nigeria n'est pas le pays qui a le plus fort PIB, mais à l'un des meilleurs systèmes de santé. Les hommes y vivent longtemps. Lorsque je compare le Nigeria et le Ghana, le PIB du  Nigeria est six fois plus élevé, mais lorsqu'on regarde les indicateurs, on voit que le Ghana s’en sort nettement mieux. On a, par exemple, beaucoup moins d'inégalités au niveau du Nigeria. C’est vraiment un impact dû aux décisions politiques. Nous devons essayer d'aller au-delà des questions épidémiques pour regarder aussi les aspects politiques qui influencent d’autant plus les décisions en matière de santé et ça aussi c'est très important, parce que ça va au-delà de tout ça’’, déclare le médecin en santé Bello.

C’est dans cette perspective qu’une solution prometteuse a été mise en exergue par le docteur. ‘’La télémédecine représente une solution prometteuse pour améliorer l'accès aux soins de santé dans les zones reculées de nos pays. En installant des centres de télémédecine équipés de technologies de pointe, même dans les régions les plus isolées, nous pouvons permettre aux patients de consulter des spécialistes à distance. ‘’Cependant, insiste-t-elle, il est crucial de résoudre les problèmes d'infrastructures tels que l'accès à l'électricité et à l'Internet pour que cette solution soit viable’’, a-t-elle renchéri.

In fine, les panélistes et les personnes présentes à ce débat souhaitent transformer ces interventions en actions tangibles, garantissant le fait que la santé devienne un droit inaliénable pour tous et pour toutes.

THECIA P. NYOMBA EKOMIE

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