Dakar vise….le haut du pavé
Dakar veut faire peau neuve et se vêtir d’un «manteau de pavé». Cette mutation enclenchée par la mairie de Dakar englobe des aspects sociaux, économiques et même politiques.
«L’an 2000, l’an 2000, Dakar-sera-comme-Paris». Qui ne se souvient pas de cet air que fredonnaient les jeunes dans les rues sablonneuses de Dakar ? Force est de constater en 2012 que nous sommes loin du compte : routes cabossées et sablonneuses, trottoirs en mauvais état ou inexistants, telle est l’image de Dakar, et ressembler à Paris n’est pas chose facile.
Il aura fallu deux décennies à la vieille cité capétienne pour se métamorphoser en une ville moderne, avec les gigantesques travaux du Baron George Haussmann. La présente administration municipale veut faire entrer Dakar dans le ''XXI siècle'', tel est le but du projet de pavage initié par le maire Khalifa Sall. Pour La durée ?
«5 ans», soit la durée du contrat de l’entreprise Burkinabé Belli Sasha, d’après un chef de chantier à la Médina, ou «peut être plus», selon le maire. En fait, il n'y a pas de calendrier fixe pour les travaux. La première évaluation est prévue pour 2014. Surtout pour les électeurs des municipales de la même année, qui vont devoir prendre leur mal en patience, car les travaux vont durer. «Nous sommes à Thierine (Médina), depuis 1 mois et 20 jours», renseigne Seydou Tagna qui pilote le projet et supervise les travaux pour Belli Sasha. Le coordinateur du programme pour la ville de Dakar, Oumar Dièye, révèle qu'on en est ''seulement à la première phase de ce projet financé par la mairie, avec près de 10 milliards d’investissements pour l’acquisition d’équipements et de terrain pour l’usine».
Le projet ne vise pas seulement à paver tous les trottoirs de Dakar, il a aussi pour but de créer ou de restaurer les chaussées municipales, avec l’aide de partenaires au développement, comme l'Agence française de développement (AFD) et la Banque africaine de développement (BAD), dans un programme de bitumage en parallèle avec le pavage, souligne Souleymane Niang, chargé de communication du maire. Ainsi, outre l'embellissement de la capitale, le projet vise à débarrasser du sable qui entrave la bonne maintenance de la voirie et des canalisations qu’il faut régulièrement désensabler. «Le sable entrave l’efficacité des canalisations en favorisant la stagnation de l’eau, ce qui est source de dégradation de la chaussée'', explique Oumar Dièye, coordinateur du programme pavage de la mairie.
Dimension sociale
Devant la mosquée Santhiaba à Médina, des ouvriers terminent de remballer leur matériel. Une voix se fait entendre : «Dépêchez-vous de finir de ranger les pavés», lance Abdoul Razak Ilbondo. Habillé d’un Lacoste rouge estampillé du logo de son employeur Belli Sasha. Le chef de chantier bouscule un groupe d’une douzaine d’ouvriers recrutés sous forme de contrat à durée de chantier. L’entreprise est payée au mètre carré de pavés posés, soit 10 000 francs. La quarantaine d’ouvriers sous sa responsabilité attend patiemment la fin d'une dure journée de 8 heures de labeur. Des ouvriers vêtus de leur tunique bleue posent délicatement les pavés ''tétragones'' sur une mouture (mélange de sable et de ciment) que d'autres dament avec des marteaux en plastiques. Ensuite, un autre groupe d’ouvriers armés de balais s’emploient à disperser le sable sur les interstices qui séparent les pavés en granite, afin de consolider le tout.
A une dizaine de mètres de là, les meules découpent les pavés qui serviront à mettre les bordures pour protéger la place sur laquelle, il est prévu de mettre une pente de 0, 5% pour favoriser l’écoulement de l’eau. «Les travailleurs sont en phase d’apprentissage dans leur formation qu’ils ont débutée au centre de formation municipale de Grand-Dakar et à l’usine de Colobane, où ils ont appris à fabriquer des pavés», renseigne Souleymane Niang. En effet, les volets du projet comportent aussi bien un aspect esthétique que social. Il vise à donner du travail à des milliers de jeunes, pour la production et la pose. Des tas de pavés de couleurs rouge et noire et de différentes formes heptagone «Baobab» et octogone ou des bordures s’entreposent dans les rues 22 et 13 de la Médina.
Régler le problème de l'occupation illégale des rues
«Le choix des quartiers à paver va se faire en accord avec les maires des 19 communes d’arrondissement qui participent à la cellule de coordination du programme, par la fourniture d’équipes de pavage qu’ils sont prêts à prendre en charge eux-mêmes». Selon le coordinateur du programme pour la ville de Dakar Oumar Dièye, l’opportunité de ce programme pavage répond à un besoin de voirie et de bitumage qui sont déficients à Dakar. Le collaborateur du maire est persuadé que ces ouvrages publics sont tout aussi prioritaires que les infrastructures sociales. Car, renseigne le chargé de communication de la mairie, le pavage va prendre en charge le problème de l’occupation de la voie publique. «Nous allons travailler avec l’État et les maires des communes, pour empêcher une occupation illégale des rues ainsi pavées», annonce M. Niang. Toutefois, un tour près de la mosquée de Thieurigne à la Médina montre la difficulté d'empêcher cette occupation anarchique. Des cordonniers sont installés sur des trottoirs pavés, alors que non loin de là, des ouvriers s’activent à paver les rues adjacentes.
La question de la pérennité de l'ouvrage
Aussi, se pose la question de la qualité du travail en cours. Selon Abdoul Razak Ilbondo, «les pavés sont garantis pour 30 ans». Oumar Dièye est plus mesuré car il dit : «Il faut compter 20 ans, avec un entretien périodique de l’ouvrage'' qui pourrait être confié aux jeunes. «Au brésil, remarque Souleymane Niang, des jeunes sillonnent la ville avec des sacs de pavés pour réparer les espaces endommagés». D'ailleurs, le coordinateur renseigne qu'un plan d’action est mis en place, depuis 2010, pour harmoniser les travaux avec des sociétés de la place comme la SDE et la SENELEC, pour éviter de nombreux désagréments sur les rues et les places pavées.
En ce qui concerne les inondations, le coordonnateur tient à rassurer les populations, puisque des travaux d’accompagnement de voirie et de canalisation sont prévus dans des quartiers qui en sont dépourvus.
MAMADOU MAKHFOUSE NGOM
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