Publié le 29 Aug 2022 - 20:55
AUTORISATION DES OGM

Le Sénégal face à son destin

 

OGM. Rien qu'évoquer ces trois lettres suscite la peur chez beaucoup de personnes averties. L’être humain joue-t-il avec la création divine ? Ou trouve-t-il un moyen de répondre aux innombrables défis de cette vie (santé, souveraineté alimentaire, etc.) ? La question est loin d’être tranchée. Pendant ce temps, la science avance à grands pas et offre des possibilités toujours plus grandes, mais jamais sans risques. Cette réalité atteint le Sénégal, à l’heure de répondre à cette question humaine qui ne nous épargne pas. La loi sur la biodiversité de 2009 a été modifiée et adoptée par l’Assemblée nationale. Désormais, les OGM vont bientôt être autorisés dans le pays, en attendant la promulgation du président de la République. Un choix que beaucoup d’acteurs de la société civile déplorent, tant dans la manière que dans les implications pour les populations. Cet article tente d’apporter quelques éclaircissements aux indécis sur la question des OGM.

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ADOPTION D’UNE NOUVELLE LOI SUR LA BIOSÉCURITÉ 

Un virage à 360°

Dans la plupart des pays développés, l’adoption des organismes génétiquement modifiés (OGM) s’est faite après bien des débats publics, vu la controverse que suscitent ces produits de ‘’nouvelle’’ nature.  Toutefois, au Sénégal comme dans beaucoup de pays africains, la manipulation des gènes avance avec une communication très silencieuse.

Une révolution se prépare-t-elle dans l’agriculture sénégalaise ? Un pas décisif a été posé en ce sens. Pourtant, l’information est passée sans tambour, ni trompette. L’Assemblée nationale a adopté, le vendredi 3 juin 2022, en procédure d’urgence et sans débat, le projet de loi n°08/2022 portant sur la biosécurité. Celui-ci abroge la loi n°2009-27 du 8 juillet 2009  portant sur la biodiversité. Et ce qui interpelle dans cette nouvelle réglementation, c’est l’élimination de l’article 18 qui dispose : ‘’Il est interdit d’importer ou de mettre sur le marché des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou produits dérivés susceptibles de provoquer une dégradation de l’environnement ou un déséquilibre écologique ou de nuire à la santé humaine ou animale.’’

Défendant la nouvelle loi, le ministre de l’Environnement, Abdou Karim Sall, a souligné que cette disposition (l’article 18) ‘’outre qu'elle constitue un frein au développement des activités liées aux OGM, est difficilement conciliable avec le Protocole de Cartagena qui, au contraire, vise à assurer un degré adéquat de protection pour la manipulation, le transfert et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine’’.

Macky Sall : ‘’Il est indéniable que les OGM peuvent aider à relever les défis de l’heure…’’

Si les risques sur les OGM sont établis, le gouvernement évoque ainsi ses engagements internationaux pour justifier l’introduction de produits issus de ces manipulations génétiques au Sénégal. Mais il s’agit d’un long processus qui vient d’aboutir à l’Assemblée nationale. En 2017, le président de la République s’est prononcé pour la première fois en faveur de l’introduction des OGM au Sénégal. Lors de la 8e séance académique solennelle de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS), Macky Sall assurait : ‘’Il est indéniable que les OGM peuvent aider à relever les défis de l’heure, concernant la sécurité alimentaire, les problématiques de la santé publique, la conservation des ressources naturelles et la lutte contre les changements climatiques. Sans aucun doute, le Sénégal pourrait, à l’instar d’autres pays, tirer de ces technologies des avantages socio-économiques considérables. Il faut engager une réflexion sérieuse afin d’élaborer une stratégie permettant l’utilisation optimale des OGM, tout en atténuant les risques y afférant.’’

A cet effet, la rencontre d’alors permettait à l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS) de publier son rapport intitulé ‘’Les organismes génétiquement modifiés : état des lieux, enjeux et perspectives au Sénégal’’, résultat d’une étude de la problématique des OGM, sur instruction du président de la République, qui souhaitait disposer d’une base de données scientifiques permettant de prendre une décision concernant introduction des OGM au Sénégal.

Le rapport de l’ANSTS (2017) conclut ‘’qu’il n’y a aucun risque à consommer des aliments issus d’OGM’’. L’étude menée sur les OGM dans les 14 régions du Sénégal révèle que, globalement, 68 % des populations enquêtées, tous secteurs confondus (chercheurs, agents de l’Administration publique, acteurs de la société civile, secteur privé, acteurs du monde rural) sont ‘’pro-OGM’’ et, par conséquent, ils sont favorables à l’introduction, à la production et à la commercialisation des OGM au Sénégal.

Études contre études

Cependant, un passage du rapport  affirme que les ‘’principaux acteurs du monde rural, notamment les agriculteurs, ont une connaissance très limitée de la question’’. Dans un article publié en 2018, le Comité ouest-africain des semences paysannes (COASP), qui lutte contre l’utilisation des OGM en Afrique, affirme que ‘’d’après les déclarations des paysans enquêtés, les enquêteurs (de l’ANSTS) n’ont pas utilisé le terme OGM, mais plutôt celui de ‘’semence de la recherche’’ et les paysans ont répondu en fonction de cette terminologie’’.

Dénonçant l’évocation légère de conclusions d’études ‘’françaises’’ et ‘’américaines’’ sans les citer, comme justification de l’absence de dangers majeurs dans l’utilisation des OGM, le COASP se fonde sur deux études pour affirmer les risques sanitaires liés aux OGM : un rapport de l’Académie américaine de la médecine environnementale (AAEM) publié en 2009, qui montre que les produits alimentaires génétiquement modifiés provoquent des dommages d'organes et les désordres de système immunitaire et gastro-intestinal, le vieillissement accéléré et l'infertilité. L’AAEM appelle à un moratoire immédiat sur les OGM et conseille aux docteurs de prescrire des régimes non-OGM pour tous les patients. Une étude publiée en 2012 par le professeur Giles-Eric SERALINI sur les effets à long terme (deux ans) des aliments transgéniques qui montre que la consommation par les animaux expérimentaux du maïs transgénique (le NK603) provoquait l'apparition de tumeurs, ainsi que des troubles hépatiques et rénaux.

La Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) est un cadre qui regroupe une diversité d’acteurs comprenant des paysans, des organisations communautaires de base, des collectivités territoriales, des organisations non gouvernementales, des chercheurs et des entreprises privées dans le but de contribuer aux réflexions de l’État sur la question de la transition agroécologique. En avril 2020, dans un document intitulé ‘’Contribution aux politiques nationales pour une transition agroécologique au Sénégal’’, elle affirmait déjà que ‘’les évolutions récentes du contexte réglementaire national et régional suggèrent qu’il existe un risque imminent d’introduction d’organismes génétiquement modifiés (OGM) au Sénégal. (…) Si elles sont introduites au Sénégal, les variétés OGM de cultures vivrières risquent de contaminer les semences natives, alors que les risques sanitaires, environnementaux, économiques et sociaux n’ont pas été évalués. Les OGM risquent d’affecter négativement la vie des producteurs et des consommateurs, comme ce fut le cas au Burkina Faso avec le coton BT (pour Bacillus thuringiensis, le nom d’une bactérie qui permet de résister à certains insectes)’’.  

Ali Tapsoba (société civile burkinabé) : ‘’Le Sénégal va bientôt  vivre les mêmes problèmes que les pays qui ont accepté cette législation’’

Un témoin de cet épisode burkinabé est Ali Tapsoba. Membre de la Coalition ouest-africaine pour la protection du patrimoine génétique (Copagen) il suit régulièrement la législation sénégalaise dans le cadre de l’autorisation des OGM. ‘’Quand j’ai vu que le Parlement sénégalais a adopté cette nouvelle loi sur la biosécurité, je me suis dit waouh ! Le Sénégal va bientôt  vivre les mêmes problèmes que les pays qui ont accepté cette législation’’, alerte-t-il après l’adoption de la nouvelle loi sur la biosécurité.

Au Burkina Faso, d’autres expériences continuent d’être menées autour des OGM. Parmi les acteurs majeurs de la révolte contre le coton BT, Ali Tapsoba continue son combat. ‘’Dans la société civile, assure-t-il, nous menons des rencontres dans le but d’expliquer aux populations les enjeux autour de ces questions liées aux OGM et quelles stratégies mettre en place pour que ces OGM ne viennent pas envahir l’Afrique. Le Sénégal est pratiquement la capitale de l’Afrique. Si des choses sont implémentées ici, c’est le continent entier qui pourrait être tenté’’.

Un mois après son passage à l’hémicycle, la DyTAES a tenu un point de presse pour exprimer ses inquiétudes et son indignation pour la manière dont les députés sénégalais ont adopté, à l’unanimité, sans débat et en procédure d’urgence, la nouvelle loi sur la biosécurité. ‘’Cette loi n’a pas fait l’objet d’un vrai processus inclusif et participatif avec les différents segments de la société, en particulier avec les agriculteurs et une diversité de représentants de la société civile’, assure-t-elle, avant de demander au gouvernement de surseoir à sa promulgation, le temps d’ouvrir un débat populaire autour de ce texte, ‘’conformément aux exigences de l’article 13 de la Convention sur la biodiversité et de l’article 23 du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques’’.

Comprendre le fiasco du coton OGM au Burkina Faso

C’est en 2001 que Monsanto lance ses premiers essais de coton génétiquement modifié dans le plus grand secret. Il faudra attendre 2003 pour que ces essais soient rendus publics et qu’un premier scandale éclate : aucun cadre légal n’entourait ces pratiques et aucune information n’avait été donnée à la population burkinabé. Il s’agit pourtant de deux obligations clairement édictées dans les conventions internationales encadrant l’usage des OGM. Ce n’est qu’en 2006 que le Burkina Faso se mit en règle au niveau législatif.

La première récolte officielle de coton BT a lieu en 2008 ; et en 2009, 130 000 ha sont déjà mis en culture. Les semences, les pesticides et les herbicides sont fournis à crédit par les sociétés cotonnières aux paysans. Après la récolte, les sociétés se remboursent et paient l’éventuel surplus aux paysans (si le paysan rate sa récolte, il s’endette vis-à-vis de la société cotonnière). Ce procédé tourne rapidement au cercle vicieux pour les agriculteurs.

Bien que les sociétés cotonnières crient à l’exploit, tout le monde va rapidement déchanter. Alors que l’on vantait une augmentation des rendements et sur tout un moindre usage des pesticides (en effet, le coton BT produit lui-même son propre pesticide), les agriculteurs vont constater une baisse de rendement d’environ 7 %. Quant au RoundUp, s’il faut en effet moins en épandre dans un premier temps, l’apparition de chenilles résistantes au coton BT pousse à l’augmentation de son usage. De plus, les paysans sont nombreux à utiliser les pesticides destinés au coton pour leurs cultures de maïs, ce qui a des effets désastreux sur leur santé.

Un autre obstacle de taille est le prix des semences OGM qui est dix fois plus élevé que les semences classiques. Or, les aléas climatiques poussent régulièrement les agriculteurs à réaliser plusieurs semis... Un moindre mal lorsque la semence est presque gratuite, une catastrophe lorsqu’il faut environ 45 € pour ensemencer un hectare. Et, cerise sur le gâteau, la fibre du coton BT se révèle bien plus courte que celle du coton traditionnel burkinabé, sa valeur se déprécie sur le marché et les ventes s’écroulent.

Du côté du monde associatif burkinabé, il n’a pas fallu longtemps pour que la résistance s’organise. Dès 2004, est fondée la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen) qui intervient en tant que plateforme de plaidoyer sur les problématiques de privatisation des ressources génétiques et sur l’enjeu de la souveraineté alimentaire des pays africains. En mars 2015, est créé le CCAE, le Collectif citoyen pour l’Agro-écologie, qui organisera quelques mois plus tard (23 mai 2015) une grande marche anti-OGM. Ce sont 1 500 Burkinabé qui descendent dans la rue, soutenus par une marche parallèle à Rennes, en France.

La pression augmente sur Monsanto au moment où le pouvoir politique burkinabé vacille et où les revenus du coton s’effondrent. En janvier 2016, c’est aux sociétés cotonnières du Burkina Faso de montrer leur ras-le-bol. Elles réclament 280 millions de dollars de compensation à Monsanto, en contrepartie des pertes dues à la baisse de qualité depuis 2010. Le divorce est déjà presque consommé et le retrait du coton BT rapide. En 2016, seuls 20 % des champs ont été cultivés avec des OGM et ceux-ci ont totalement disparu lors de la campagne 2017.


Les OGM  en chiffres

Depuis les débuts de la commercialisation des OGM en 1996, les superficies allouées à ces cultures par les principaux pays producteurs ont évolué. En 2019, le nombre de pays où se cultivent des cultures GM était de 29 (24 pays en voie de développement et 5 pays industrialisés). 90,7 % de la superficie mondiale cultivée en OGM (190,4 millions d’hectares) se retrouvait dans 5 pays : les États-Unis, 37,6 % ; le Brésil, 27,7 % ; l'Argentine, 12,6 % ; le Canada, 6,6 % ; l'Inde, 6,3 %.  Les autres hectares de plantes GM ont été cultivés par les 24 pays suivants (en ordre décroissant de superficie) : Paraguay, Chine, Afrique du Sud, Pakistan, Bolivie, Uruguay, Philippines, Australie, Myanmar, Soudan, Mexique, Espagne, Colombie, Vietnam, Honduras, Chili, Malawi, Portugal, Indonésie, Bangladesh, Nigeria, Eswatini, Éthiopie, Costa Rica (voir carte ci-haut).

Dans la même année, les OGM cultivés dans le monde étaient principalement du canola, du coton, du maïs et du soja. Le soja GM continue, en 2019, d’être la culture GM la plus utilisée occupant 48 % des 190,4 millions d’hectares d’OGM à travers le monde (soit 91,9 millions d’hectares). Suit le maïs GM avec 32 % de la superficie totale en cultures GM, soit 60,9 millions d’hectares; le coton GM avec 13,5 % de la superficie totale en cultures GM, soit 25,7 millions d’hectares et le canola GM avec 5,3 % de la superficie totale en cultures GM, soit 10,1 millions d’hectares.

Au plan international, les pourcentages de cultures GM cultivées par rapport à celles non GM s’estiment ainsi : 74 % du soja étaient GM ; 79 % du coton étaient GM ; 27 % du canola étaient GM et 31 % du maïs étaient GM.

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Qu’est-ce qu’un OGM ?

Un organisme vivant auquel on a ajouté un ou des gènes pour lui donner un caractère spécifique, par exemple, la résistance à un virus, ou un organisme vivant dans lequel on a bloqué ou atténué l’action indésirable d’un gène, par exemple la synthèse d’une protéine allergène.

La recherche et l’industrie pharmaceutique utilisent souvent des OGM, car ils peuvent favoriser le progrès médical. Par exemple, certaines bactéries génétiquement modifiées permettent de créer des hormones de croissance ou de l’insuline.

Dans l’agriculture, les OGM permettent notamment d’améliorer la résistance des plantes pour éviter qu’elles ne succombent aux attaques de certains insectes ravageurs, à certaines maladies ou aux sécheresses notamment. Par exemple, des maïs ont été génétiquement modifiés pour produire leur propre insecticide.

Le seul animal génétiquement modifié (GM) approuvé présentement pour commercialisation est un saumon à croissance accélérée. Le saumon AquAdvantage a reçu son approbation en novembre 2015 auprès de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis.

Aujourd’hui, les OGM sont principalement utilisés dans l’élevage intensif ou l’agriculture (notamment avec les cultures de maïs ou de soja), des produits qui se retrouvent ensuite dans nos assiettes. Vient alors un débat éthique autour des OGM. Est-ce que manger du maïs OGM va avoir des conséquences sur notre propre génome ? Jusqu’où va-t-on modifier le vivant au nom du profit ? Où se situe la limite de l’acceptable ? La tolérance des OGM par la société dépend notamment du type d’OGM et du but recherché.

Les OGM : une histoire de gros sous avant tout ?

Dans son rapport intitulé ‘’Les organismes génétiquement modifiés : état des lieux, enjeux et perspectives au Sénégal’’, l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS) soutient que l’importance des enjeux économiques et scientifiques est en réalité le principal élément à la base des nombreuses controverses autour des OMG. De grandes firmes internationales contrôlent  ce marché, disposant de licences et brevets sur ces produits. Outre le géant américain Monsanto, surnommé ‘’le Microsoft de l’agriculture’’, pour avoir vu avant tous les autres le potentiel de ce marché (il possède 90 % des brevets sur les gènes), l’Allemand Bayer, l’Américain Dupont Pioneer ou le Suisse Syngenta appartiennent à ce cercle restreint. Tous créent leurs variétés à partir de gènes Monsanto, moyennant le versement de royalties. Aujourd’hui, Mossanto a été rachetée par Bayer.

Ces entreprises voient l’Afrique subsaharienne comme un horizon immense qui s’ouvre à elles. Le continent possède 60 % des terres arables inexploitées de la planète, alors que les plantes transgéniques totalisent moins de 3 % de ces surfaces cultivées, soit 4 millions d’hectares, contre 70 millions aux États-Unis et 66 millions en Amérique latine. Certains rapports qualifient même l’Afrique de ‘’dernière frontière’’ en matière d’organismes génétiquement modifiés.  

Des petits producteurs laissés à la merci des géants internationaux

Dans leurs recommandations, les agents de l’ANSTS exhortent le gouvernement, dans l’optique de l’autorisation des OGM au Sénégal, à ‘’tendre vers un mécanisme suffisamment équilibré, favorisant une recherche pertinente sur des problématiques nationales, tout en préservant les ressources naturelles et les intérêts des petits agriculteurs vulnérables’’.

Les principaux dangers identifiés soulignent que les semences transgéniques sont vendues avec l'obligation d'acheter de nouvelles semences chaque année. ‘’Cette disposition enlève une source importante de garantie - la conservation et l'échange de semences par les agriculteurs- qui avait servi dans le passé à protéger les paysans pauvres contre de tels risques. De plus, les semences transgéniques commercialisées à ce jour par les entreprises privées sont plus chères que les semences traditionnelles.

Les récentes fusions entre géants de l’agrochimie (Bayer et Monsanto ; ChinaChem et Syngenta) sont autant de sujets de préoccupation ; car avec la concentration du pouvoir financier et politique mondial entre les mains de trois firmes, l’immense pouvoir que ces firmes vont détenir sur l’agriculture, en contrôlant et imposant un modèle d’agriculture unique et intensive, risque d’exclure ou d’enfoncer dans la pauvreté les petits paysans de l’Afrique. L’un des inconvénients majeurs de l’agriculture intensive que privilégie la culture de plantes transgéniques, est de favoriser la monoculture au détriment des cultures diversifiées’’, prévient le document.

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DR NDJIDO ARDO KANE, SPECIALISTE EN GENETIQUE DES PLANTES

‘’La loi sur la biosécurité n’autorise, ni n’interdit les OGM’’

Docteur en biologie, Ndjido Ardo Kane a longtemps plaidé pour la mise en place de modalités permettant de savoir si des organismes génétiquement modifiés (OGM) sont déjà présents sur le marché sénégalais. Avec la nouvelle loi sur la biosécurité, cela devient possible. Malgré ce qui se dit, note le Dr Kane, ‘’la loi sur la biosécurité n’autorise, ni n’interdit les OGM. Elle établit le cadre réglementaire et institutionnel et définit les conditions d’utilisation des biotechnologies modernes et leurs produits dérivés. Toute autorisation ou interdiction devra respecter et suivre la démarche et les mesures édictées dans ses articles’’. Voilà son grand intérêt, d’après le biologiste. Car la loi de 2009 ne permet pas le bon fonctionnement des organes définis dans ses articles, en particulier celui du fonctionnement de l’Autorité nationale de biosécurité (ANB). Le décret n°2017-1053 de 2017 établit les modalités d’organisation, de fonctionnement et les attributions pour en actualiser le cadre institutionnel et fixer les missions de l’ANB, sa personnalité juridique et une autonomie financière.

Le spécialiste en génétique des plantes et expert en biosécurité estime que cette loi sera bénéfique pour la recherche qui ‘’a la responsabilité d’intervention par ses expertises, de prospective et de génération de connaissances pouvant empêcher ou autoriser quelconque utilisation des biotechnologies modernes et leurs produits dérivés’’. Il en de même avec d’autres implications de renforcement de capacités institutionnelles, de financement, d’appui et de mesures d’accompagnement, de souveraineté dans la recherche et d’équité dans le développement sont à relever.

Quant aux nombreuses réserves et polémiques liées aux OGM, le Dr Kane estime que des espaces de dialogues constructifs et d’échanges responsables doivent être favorisés sur la question. Il ne faut pas en avoir peur, assure-t-il, mais ‘’apporter des preuves, des évidences ou indications en toute transparence pouvant contribuer à garantir une utilisation sûre et sécurisée des biotechnologies modernes et leurs produits dérivés’’.

Lamine Diouf

 

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