Publié le 18 Jan 2018 - 13:14
1ER JOTAYU

Le hip hop sénégalais à la loupe

 

C’est parti pour les rencontres mensuelles dénommées Jotayu hip hop et initiées par Africulturban dans le cadre de la célébration des 30 ans du hip hop galsen. Le Goethe institut a reçu hier la conférence dont le thème était ‘’Km 30, carnet de route’’. A cette occasion, les Professeurs Ibrahima Wane et Abdoulaye Niang des universités de Dakar et Saint-Louis sont revenus sur l’aspect politique du hip hop sénégalais en général, du rap en particulier.

 

‘’Le hip hop est un mouvement qui croît, se diversifie et se complexifie. Un objet n’est intéressant que s’il est complexe’’, est convaincu l’enseignant chercheur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Dr Ibrahima Wane. Il répondait ainsi à une question du rappeur et modérateur de ‘’Jotayu hip hop’’, une activité mensuelle initiée par Africulturban dans le cadre de la célébration des 30 ans de ce mouvement, Cheikh Sène aka Keyti.

C’est peut-être pour cela qu’au moment où ce mouvement était très mal perçu par les dirigeants et incompris par une frange de la population, Dr Wane s’y est intéressé et a mené des recherches sur ce dernier. Comme d’ailleurs l’enseignant chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Pr Abdoulaye Niang. Ils étaient hier les deux invités de Jotayu hip hop dont la première séance était accueillie par le centre culturel allemand, Goethe institut. ‘’Km 30, carnet de route’’ était le thème de cette dernière. Né en 1988, le hip-hop sénégalais est passé  par bien des étapes. Surtout le rap. Toutes ont eu une bonne part de politique. ‘’De manière générale, le rap est politique’’, a déclaré le Pr Niang en précisant tout de même que si c’est politique signifie ici la gestion de la cité. ‘’Le rap se prononce sur la façon de gérer la collectivité’’, analyse-t-il.

Aussi, lors de ses différents entretiens avec des acteurs du mouvement dans le cadre de ses recherches, tous se définissaient comme les ‘’représentants du peuple’’. Certains d’entre eux d’ailleurs lui disaient que les vrais députés n’étaient pas à l’Assemblée nationale mais parmi les rappeurs.  Une revendication légitime qui se justifie par le contexte dans lequel est né le rap sénégalais tel que l’a rappelé Dr Wane.

 ‘’Le rap s’est développé dans un contexte de crise économique, sociale et politique’’, a-t-il indiqué. Les revendications étaient donc là et toutes naturelles. C’est ainsi que les acteurs ont versé dans des discours de dénonciation et de revendication. Ils s’opposaient ainsi à un ‘’système et non à une personne’’, a tenu à préciser Dr Wane, citant dans ce sens un vieil opus du Positive Black Soul ‘’Douma Ps, douma PDS’’. C’est menant ce combat contre le ‘’système’’ qu’ils ont pu jouer un rôle déterminant dans la première alternance au Sénégal, en 2000. ‘’Le rap a contribué à créer cette ambiance de fin de règne en 2000’’, a fait savoir Dr Wane. Une manière pour lui de dire que le discours de dénonciation adopté a un impact sur la conscience du public. Et il trouve impressionnant que des gens qui sont en dehors du jeu électoral puissent ainsi influencer la conscience des gens.

 Et il n’y a pas que cela. ‘’Le rap rime avec cette nécessité d’influencer le jeu politique’’, a reconnu Pr Niang. Ce qu’il réussit bien. ‘’C’est parce que le hip hop a un impact que cela gêne’’, a informé Pr Niang. Et si en 2000, les acteurs du mouvement prêchaient tous pour le changement, tout donc sauf Abdou Diouf, la majorité restait convaincue que le PS ferait un hold-up électoral. Cela n’a pas eu lieu et ils sont arrivés à pousser le maximum de jeunes à aller voter. Quoi qu’il en soit, le discours a changé, a mûri en 2012. Ce n’était plus le vol qui était craint. Les indications étaient redirigées avec des slogans comme ‘’Ma carte, mon arme’’, lancée par les Y en a marristes. Parlant de ce mouvement, certains ont pensé à un moment qu’il pouvait être un parti politique.

Place des rappeurs dans les partis politiques

A la veille des dernières législatives d’ailleurs, la rumeur courait que Y en a marre allait présenter une liste. Cela avait choqué certains. Pourtant sous d’autres cieux, en Allemagne par exemple, tel qu’évoqué par Keyti, il y a un parti politique pour le hip hop. Pourrait-on avoir la même chose au Sénégal ? Oui, pense Dr Wane. Seulement, il ne faut pas s’attendre à voir tous les acteurs du secteur s’allier pour mettre cela en place. ‘’Il faut des figures, un groupe, des individualités pour le faire. Et ce serait logique d’en arriver là’’, a même dit Dr Ibrahima Wane. Il a tout à fait raison, a-t-on envie de lui dire. En 2012, lors de l’élection présidentielle, la place des rappeurs dans les partis politiques avaient complètement changé. Confinés jusque-là au seul rôle de concocter des chansons pour rythmer les campagnes électorales, ils se sont vus intégrer des instances de décision. C’est ainsi que, par exemple, Bibson était dans le directoire politique du PS. 

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