L'armée commet des abus "généralisés", selon Human Rights Watch
L'armée ivoirienne a commis des atteintes "généralisées" aux droits de l'Homme, notamment des traitements inhumains et parfois des actes de torture, après une vague d'attaques lancées en août par des groupes armés, a affirmé Human Rights Watch (HRW).
Ces abus perpétrés par les Forces républicaines (FRCI, armée) incluaient "des arrestations arbitraires, des détentions illégales, des actes d?extorsion, des traitements inhumains et, dans certains cas, des actes de torture", écrit l'ONG de défense des droits de l'Homme dans un rapport de 80 pages intitulé "Bien loin de la réconciliation: répression militaire abusive en réponse aux menaces sécuritaires en Côte d?Ivoire".
Le gouvernement du président Alassane Ouattara a été confronté entre août et octobre à une série d'attaques armées, notamment à Abidjan, qu'il a attribuées à des fidèles de Laurent Gbagbo, ce que le camp de l'ex-président récuse.
Auparavant, des attaques meurtrières avaient aussi eu lieu dans l'ouest du pays, à la frontière libérienne.
"Depuis avril 2012, au moins 50 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées pendant ces attaques", selon HRW, qui juge "crédibles" les accusations des autorités contre les pro-Gbagbo.
Mais la "répression" qui a suivi les attaques d'août "a été marquée par des actes rappelant les crimes graves commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011" ayant fait quelque 3. 000 morts, écrit Human Rights Watch après une mission de trois semaines à Abidjan entre août et septembre.
"La torture en tant que telle ne semblait pas être systématique", indique l'organisation, qui dit avoir interrogé cinq personnes ayant été victimes de tortures dans un camp militaire de la capitale économique.
HRW souligne que les violations des droits de l'Homme ont été commises "dans certains cas sous des commandants précédemment identifiés comme responsables d?abus brutaux" durant la crise de 2010-2011.
L'organisation cite le cas du commandant Ousmane Coulibaly, dit "Ben Laden", ex-chef rebelle pro-Ouattara devenu un cadre des FRCI, et nommé récemment préfet de la région sensible de San Pedro (sud-ouest).
Elle évoque aussi "des arrestations arbitraires massives" de présumés pro-Gbagbo dans le quartier de Yopougon, fief de l'ex-président: "des centaines de jeunes hommes semblent avoir été arrêtés et détenus, essentiellement sur la base de leur (appartenance ethnique) et leur lieu de résidence".
Le pouvoir ivoirien doit tenir ses "promesses maintes fois répétées de mettre fin à l?impunité", exhorte l'ONG, estimant que "la justice des vainqueurs et les abus généralisés" contre des pro-Gbagbo présumés risquent de "replonger la Côte d?Ivoire dans le conflit".
Aucune figure au sein des ex-rebelles pro-Ouattara - désormais dominants dans la hiérarchie des forces armées - n'a été à ce jour inquiétée par la justice ivoirienne, malgré les accusations de crimes commis durant la dernière crise.
"Plusieurs responsables gouvernementaux ont admis l'existence d?excès dans la riposte des militaires, mais se sont concentrés sur la gravité de la menace sécuritaire et ont promis que des mesures ont été et seraient prises afin de contrôler ces abus à l?avenir", relève enfin HRW.
Le gouvernement avait vivement protesté mais promis d'ouvrir des enquêtes après que l'ONG Amnesty International eut affirmé en octobre que "plus de 200 personnes", dont des pro-Gbagbo, ont été "arbitrairement détenues et torturées".
Laurent Gbagbo est détenu depuis novembre 2011 à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI), qui le soupçonne de crimes contre l'humanité.
J.A