Un système «à bout de souffle»
La France est le pays le plus sollicité de l'Union européenne par les demandeurs d’asile. Mais le système de traitement de ces demandes engendre des procédures beaucoup trop longues et éprouvantes pour les réfugiés.
Parce qu’elle a signé les engagements internationaux sur le droit d’asile, la France se doit de garantir aux demandeurs un droit au séjour, à l'hébergement, aux soins et à un minimum de revenus pendant la période d'instruction de leurs dossiers. La loi précise même que la durée d'enregistrement d'une demande d'asile ne doit pas dépasser deux semaines.
Un délai d'un an, au lieu de deux semaines
Dans la réalité, les postulants attendent parfois la réponse à leur demande pendant un an. Et pendant tout ce temps, ils n'ont aucun papier, ce qui fait d'eux des clandestins, qui risquent l’expulsion à tout moment. « Je me présente presque chaque semaine à la préfecture », explique ainsi une Malienne. « Les policiers ne nous traitent pas comme des humains. Comme si tu mentais sur les raisons qui t'ont fait fuir ton pays. Tu passes la nuit dans le froid. On te reçoit cinq minutes, on te dit qu'il n'y a pas de place… Et tu recommences. » Cette femme, victime de son engagement dans la lutte contre l'excision dans son pays d'origine, attend depuis un an en France que la préfecture veuille bien enregistrer sa demande d'asile. Cette étape est primordiale dans la procédure, car c'est la préfecture de Région qui délivre la liste des associations agréées pour obtenir une adresse de domiciliation. Il faut pourtant compter quatre à cinq mois d’attente.
Multiples étapes
Une fois cette étape de la domiciliation franchie, le demandeur doit encore retourner en préfecture, pour obtenir cette fois une autorisation provisoire au séjour. Cette « APS », dans le jargon, le postulant ne la recevra pas avant sept semaines. Son APS en main, le demandeur se tourne alors vers l'Ofpra, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour y déposer enfin sa demande d'asile. Parfois, la demande n'est même pas jugée recevable. Au nom des accords européens dits de Dublin II, si le postulant a été enregistré dans un autre pays européen avant d'arriver en France, il doit faire sa demande dans ce pays de transit.
Moins de demandeurs, des délais plus longs
C'est ce genre de disfonctionnements, parmi tant d'autres, que le rapport publié par la Coordination française pour le droit d'asile (CFDA) pointe du doigt. Pourtant, et c'est ce qui fait le paradoxe français, les délais s’allongent alors que les demandes d’asile sont en baisse. En 20 ans, le nombre de demandeurs d’asile est ainsi passé de 61 400 en 1989 à 41 222 en 2012, pour les seuls « primo-demandeurs », soit les personnes demandant l’asile pour la première fois.
Selon le rapport de la CFDA, le passage obligé par les préfectures de Région complique la procédure, et entraîne la saturation des services administratifs, allongeant d’autant les délais de traitement. Le manque d'infrastructures aggrave encore la précarité dans laquelle se retrouvent les milliers d'adultes et d'enfants engagés dans des procédures de demande d’asile, et qui n'ont souvent d'autres alternatives que d’avoir recours aux centres d'hébergement d'urgence, quand ils ne sont pas simplement laissés à la rue. Ces demandeurs d’asile, qui ont fuit leur pays notamment pour des raisons politiques, sont souvent dans une grande détresse et se retrouvent malheureusement peu aidés dans leurs démarches.
La CFDA préconise des « conditions minimales »
Le rapport accuse aussi l'Etat de ne pas prendre ses responsabilités. En effet, l’Etat finance des organisations d'aide aux demandeurs d’asile, mais celles-ci croulent sous le poids de la gestion administrative, au détriment de l'accompagnement social et juridique. Le rapport préconise donc une réforme en profondeur de la procédure de demandes d'asile, afin d'assurer un accueil digne des réfugiés.
Selon la CFDA, la France doit mettre en place une série de « conditions minimales » pour que l'asile soit un droit réel. Elle doit ainsi garantir aux demandeurs d'asile la possibilité de déposer leur dossier dans le pays de leur choix, quelque soit le pays d'entrée dans l'Union européenne. Les associations regroupées au sein de la CFDA préconisent également une simplification et une harmonisation de la procédure au niveau européen, qui garantisse des conditions de vie dignes dans le respect du choix des demandeurs d'asile. La dernière grande réforme du droit d'asile date de 2003. Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, a promis une nouvelle réforme d'ici la fin de l'année.
RFI