«La politique d’immigration de Hollande, c’est le néant.»
A l’occasion des «Y’A Bon Awards» qui se sont tenus lundi 10 juin à Paris, Rokhaya Diallo, fondatrice de l'association «Les Indivisibles», a évoqué pour Afrik.com la politique de l’immigration de François Hollande et de son gouvernement.
Qu’est-ce qui change d’une année à une autre. Est-ce que les Y’A Bon Awards permettent de faire évoluer les mentalités en France ?
L’idée des Y’A Bon Awards c’est de faire évoluer les mentalités. Nous surveillons l’expression du racisme dans les médias et collectons des propos afin de participer à la prise de conscience de nos concitoyens.
Selon-vous, les politiques récompensés, malgré eux, s’évertuent dans l’avenir à surveiller leur langage ?
Il n’y a pas que des politiques. Les Y’A Bon Awards épinglent aussi toutes les personnalités qui ont pris la parole dans l’espace public parmi lesquelles beaucoup de journalistes ainsi que des artistes qui réagissent de plus en plus souvent. Caroline Fourest (Journaliste au Monde) a réagi l’année dernière, il semble que le Y’A Bon Award qui lui a été décerné ait eu des effets sur son image ; une incidence négative qui lui a déplu. Elle a même menacé de nous attaquer en justice.
Quels sont les faits marquants de racisme qui vous ont particulièrement frappée entre 2012-2013 ?
La campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2012 a vu de nombreux préjugés s’exprimer comme en témoignait par exemple le clip de campagne de Nicolas Sarkozy ouvertement orienté contre les étrangers. Après la présidentielle, dans le même sillon, Jean-Francois Copé a ouvertement dragué les électeurs du Front national (FN) en véhiculant des poncifs racistes avec ses allusions aux pains au chocolat et de racisme anti-Blancs tandis que Nadine Morano faisait grossièrement des appels du pied aux électeurs du FN. En ce qui concerne la gauche, si le propos semble moins brutal, les actes restent sensiblement les mêmes : Manuel Valls (le ministre de l’Intérieur) expulse autant d'étrangers que son prédécesseur Claude Guéant qui n’était pas connu pour sa tendresse dans ce domaine.
Manuel Valls mène une politique d’immigration différente de celle de Claude Guéant. Que reprochez-vous à l’action de Valls ?
En 2012 le record d’expulsions à été battu : quelle est la différence ? Allez-donc dans un campement de Roms étrangers, demandez-leur s’il y a un changement ! «Les Roms n’ont pas vocation à rester en France», avait déclaré Manuel Valls, n’est-ce pas de la romophobie d’Etat ? Imagineriez-vous qu’un ministre affirme que les Arabes n’ont pas vocation à rester en France ?
Que pensez-vous de la banalisation du racisme en France ?
Elle est effective. La parole raciste s’est décomplexée depuis une dizaine d’années. Il faut lutter contre, même si je ne peux pas proposer de solution miracle. Les militants doivent faire preuve de vigilance et jouer de leur influence auprès des personnes de pouvoir. Les Indivisibles sont membres du collectif «Stop le contrôle au faciès» qui a su trouver une oreille attentive auprès de certains membres du gouvernement. Certains ministres comme Cécile Duflot, François Lamy ou Benoît Hamon soutiennent en effet les propositions du collectif.
Le racisme en France a la dent dure. Existe-t-il des leviers pour l’éradiquer ou du moins l’atténuer ?
Il en existe, c’est pour cela que Les Indivisibles interpellent les leaders opinion. Jouer des rapports de force est nécessaire : en 2014, les élections municipales auront lieu, peut-être est-il temps de faire comprendre à la gauche que les Français d’origine maghrébine, asiatique ou de couleur noire ne leur sont pas acquis contrairement à ce qu’elle semble croire ? Les citoyens ont aussi la possibilité de créer des listes autonomes.
Qu’est-ce que vous pensez de la politique de François Hollande destinée aux immigrés et étrangers ?
La seule mesure explicitement en faveur des étrangers, le droit de vote, a été immédiatement abandonnée après la victoire. C’est pourtant une promesse qui a plus de 30 ans ! C’est devenu l’arlésienne qui réapparaît à chaque campagne électorale pour mobiliser l’électorat sensible au sort des étrangers qui, à force de promesses non tenues, sont devenus les dindons de la farce.
L’autre proposition concrète ayant un impact sur la vie des étrangers et des Français d’origine étrangère, la politique des récépissés de contrôle d’identité, n’a pas non plus été mise en œuvre à cause de Manuel Valls soumis à l’influence de certains syndicats de police. En outre, aucune disposition claire n’a été mise en œuvre par François Hollande pour lutter contre les discriminations racistes. Sa politique d’immigration, c’est un peu le néant.
Afrik.com