Fin de la trêve hivernale, les expulsions peuvent reprendre
La trêve hivernale, période pendant laquelle les locataires ne peuvent pas être expulsés de leurs logements, a pris fin en France le 31 mars. Ce 1er avril signifie donc le retour de l’angoisse pour beaucoup de personnes qui, après le week-end de Pâques, risquent de se retrouver à la rue.
Selon la Fondation Abbé Pierre, il y a actuellement en France près de 140 000 foyers dont le bail a été résilié, essentiellement pour non paiement du loyer. A tout moment ces familles peuvent être chassées de leurs logements. L’année dernière, la police est intervenue 14 000 fois pour mettre les gens dehors. Il faut cependant savoir que des milliers de ménages n’attendent pas cette humiliation, mais capitulent avant et quittent les lieux d’eux-mêmes.
Grandes souffrances et victimes en chair et en os
« La situation se dégrade », constate Marie Rothhahn, l’une des responsables de la plateforme téléphonique Allô, prévention expulsion, qui depuis 2009 recueille les témoignages des personnes en détresse et qui les conseille. Près de 70% d’entre elles sont des femmes seules avec enfants et des personnes isolées. « Contrairement à ce que l’on dit parfois, souligne Marie Rothhahn, la majorité des gens qui se retrouvent en impayés ne sont pas des locataires de mauvaise foi qui refusent de régler leurs dettes, mais des personnes qui ne sont plus en mesure de le faire ». Les causes du non paiement du loyer peuvent être de différents ordres : perte ou changement d’emploi, évolution de la situation familiale – divorce, décès d’un conjoint ou bien encore des problèmes de santé – maladie ou dépression. Toutes ces situations peuvent provoquer une baisse de ressources et l’incapacité de gérer son budget et d’assumer ses charges dans un contexte où les prix de l’immobilier ne cessent de croître.
La vie d’errance après l’expulsion
La vie après l’expulsion est une angoisse de tous les jours. Il faut se débrouiller, essayer de se faire héberger par des tiers ou trouver un abri de fortune. Les services sociaux orientent les personnes expulsées vers des foyers ou des hôtels. Mais les premiers sont saturés, alors que les hôtels sont inadaptés à la vie familiale et reviennent très cher à la collectivité. Une chambre d’hôtel coûte en moyenne de 1 000 à 2 500 euros par mois. Le coût humain, lui, est sans commune mesure. Claudine Cordillot, maire PCF de Villejuif, où 50 expulsions ont eu lieu l’année dernière, parle d’un gâchis social qui ruine tous les efforts en faveur des personnes en difficulté. « Si, dans le foyer, il y a encore des personnes en activité professionnelle, remarque-t-elle, la galère de savoir où on va dormir chaque nuit fait qu’à un moment donné il y a des retards au travail qui entraînent vite des procédures de licenciement. C’est également une catastophe pour les enfants. Relogés dans des endroits éloignés de leur lieu de scolarisation, ils ne peuvent plus venir à l’école de manière régulière. Ils vivent avec un sentiment de honte insupportable ».
Pour une vraie politique de prévention des expulsions
« L’expulsion est une chose particulièrement inhumaine », martèle Claudine Cordillot. Avec une vingtaine d’autres élus de gauche de la banlieue parisienne elle demande un moratoire des expulsions locatives pour toute l’année 2013. C’est aussi la revendication numéro un d’un collectif de 33 associations d’aide aux plus démunis. Selon leur porte-parole, Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre, en attendant la future loi sur le logement annoncée pour juin, ce moratoire pourrait servir de point de départ d’une vraie politique de prévention des expulsions. « Il faut intervenir très en amont, dès les premiers mois d’impayés pour essayer de comprendre la situation de la famille, recommande-t-il, il faut savoir si celle-ci est en difficulté passagère ou bien si c’est quelque chose de structurel qui fait qu’elle n’arrivera jamais à payer son loyer. Dans ce cas, il faut imaginer une vraie solution de relogement ».
Christophe Robert rappelle aussi l’existence d’un fonds d’indemnisation qui permet de dédommager le propiétaire si le préfet décide de ne pas expulser le locataire. Mais ce fonds a diminué, passant de 78 millions en 2005 à 42 millions aujourd’hui. Le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement prône son augmentation au moins jusqu’au niveau d’il y a huit ans.
Construire, construire, construire...
Vu la crise qui frappe de plein fouet de plus en plus de Français, toutes les pistes devraient être explorées. Elles sont nombreuses: une baisse des loyers et la création d’un système de garantie universelle des risques locatifs recommandés notamment par Eddie Jacquemart de la Confédération nationale du Logement (CNL), principale association de défense des locataires, la réquisition d’immeubles vides et surtout le développement d’une offre de logements à prix accessibles pour les plus modestes. Le président de la CNL, Serge Incerti-Formentini, cite l’engagement de François Hollande à construire 150 000 logements sociaux par an. En France, plus de 3 millions de personnes sont actuellement en attente d’un logement de ce type.
RFI