Publié le 16 Jun 2013 - 15:51
Mali

La candidate des femmes se voit déjà présidente

 

Haïdara Aichata Cissé – Chato pour les intimes – se voit déjà présidente du Mali. A 54 ans, elle est la seule femme à se présenter à l’élection qui devrait avoir lieu le 28 juillet. Rencontre avec une candidate déterminée, peu habituée des compromis.

Pour venir en France, elle a troqué son traditionnel boubou pour un tailleur noir. Une tenue sobre agrémentée d’un pin’s vert-jaune-rouge, les couleurs du drapeau malien, et d’un imposant pendentif doré en forme de globe terrestre. Le local de Montreuil où elle nous reçoit n’a rien de présidentiel. Pourtant, samedi, elle sera officiellement investie candidate indépendante à l’élection qui doit se tenir au Mali en juillet. Avide de défendre sa politique, Haïdara Aichata Cissé parle vite, sourit beaucoup, mais ne plaisante pas. Elle mesure l’ampleur du combat dans lequel elle s’est engagée.

Députée de Bourem (nord du Mali) depuis 2007, elle a compris qu’elle devait aller plus loin en décembre dernier. ''Lors d’une assemblée générale à Bamako, une femme est venue vers moi. Elle voulait me parler, mais refusait de le faire publiquement. Je suis donc allée chez elle, et elle m’a confié que son fils de neuf ans avait violé sa sœur de quatre ans. Il avait reproduit les violences auxquelles il avait assisté peu de temps avant.'' Le soir même, Chato prend l’avion pour Paris afin de dénoncer les crimes des rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad). Sa décision est prise : elle sera la prochaine présidente du Mali.

''Il faut que la justice soit rendue !''

Après le coup d’état du 22 mars 2012 contre le président malien Amadou Toumani Touré, Chato a vu le quotidien des femmes se détériorer dans le nord du pays. ''Avant, il était impossible qu’une femme retrouve dans son lit cinq hommes qui l’attendent pour la violer ou qu’une mère voie son enfant enrôlé de force.'' Elle raconte que ces filles qui ''portaient des jeans et allaient en boîte'' sont désormais contraintes de se cacher sous un voile intégral ne révélant que leurs yeux. Depuis l’intervention française en janvier 2013, ''ce serait malhonnête de dire que la situation ne s’est pas améliorée''. Mais les progrès sur le plan sécuritaire ne doivent pas éluder les conséquences du conflit. ''Des femmes sont tombées enceintes après avoir été violées, que doit-on faire de leurs enfants ? Il faut que la justice soit rendue !'' Une mission que Haïdara Aichata Cissé entend bien mener elle-même, en commençant par défendre les plus vulnérables.

Toute petite, Haïdara Aichata Cissé accompagnait déjà sa mère, alors présidente des femmes à Bourem lors de ses rencontres avec les habitantes. A 14 ans, elle commence à fréquenter le milieu syndical, jusqu’à devenir plusieurs années plus tard secrétaire générale de l’Intersyndicale des travailleurs de l’Afrique. Engagée dans la lutte pour sauver Air Afrique (compagnie aérienne disparue en 2002) elle n’hésitera pas à bousculer la classe politique, allant jusqu'à lancer aux chefs d’État : ''Si vous faites disparaître Air Afrique, l’histoire va vous juger.'' L'échec de son combat syndical la décidera alors à se lancer en politique, ''pour prendre les décisions''.

''Je sais que je peux me faire tirer dessus''

Si le soutien officiel de son parti le PDES (Parti pour le développement économique et la solidarité) lui fait pour l’instant défaut, plusieurs centaines d’associations de jeunes et de femmes ont lancé un appel pour qu’elle se présente. ''Les femmes constituent 51 % de la population. Si elles sont engagées, on passe au deuxième tour'', prédit-elle. Dans un pays où les femmes politiques sont ''très timides'', le pari est risqué. Avant de se lancer dans la course à la présidentielle, cette mère de trois enfants a d’abord consulté son mari, député de Tombouctou. ''On s’est demandés si être une femme était un atout. Dans un pays islamique non, mais le Mali est un État laïque.''

Pour son mari, El Hadj Baba Haïdara, cité dans ''Libération'' le 4 juin, le prochain président du Mali devra être ''un démocrate à la limite de la dictature'', un profil dans lequel elle se reconnaît volontiers. D’un ton sans concession, elle affirme : ''Le Mali a besoin de quelqu’un qui tranche pour l’intérêt du pays, pas de quelqu’un qui tergiverse.'' Une position qui ne lui attire pas que des sympathies. Sur son téléphone malien, les menaces de morts se succèdent. D’un rire franc qui tranche avec le sérieux de ses propos, elle nous prévient : ''En sortant, je sais que je peux me faire tirer dessus. Mais quand tu es leader, tu te dis que tu dois mourir pour ta patrie.'' De tous ses slogans, un a déjà sa préférence : ''Chato, la candidate du courage.''

(elle.fr)

 

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