Publié le 19 Jan 2013 - 12:09
MALI

Sévaré n'est pas libérée de ses peurs

La ville de Sévaré, au Mali, a célébré l'intervention de l'armée française. Mais le calme retrouvé n'est qu'apparent.

 

Vu de Sévaré, la tentative d'attaque sur Mopti a été enrayée, de l'avis de tous, par l'intervention in extremis de l'armée française. Intervention célébrée, ici comme ailleurs, partout dans la ville. Rues et boutiques sont ornées de drapeaux français et maliens flambant neufs.

 

La ville de Konna, à 60 kilomètres de Mopti, libérée -pour la seconde fois- jeudi en fin d'après-midi par l'armée, reste pour l'heure inaccessible. Depuis l'assaut, aucun ravitaillement, aucun soin n'est possible pour les civils blessés ou malades, ce qui exaspère le maire de la commune de Mopti, Oumar Bathily, et les ONG, impuissantes. Jeudi, huit pick-up ont été confisqués aux rebelles et rapatriés à Sévaré. Tandis que les déplacés affluaient vers Mopti et sa ville-jumelle Sévaré avant le bouclage de Konna.

 

42 000 déplacés

 

La bataille n'a donc pas été sans conséquences à Sévaré, où stationnent les militaires maliens et français. Le bétail venant d'ordinaire de Konna, désormais verrouillée, le prix de la viande, qui avait déjà doublé depuis le début de la crise, a encore augmenté. A Mopti en revanche, rien n'a bougé en apparence. Mais les civils de Konna ont convergé en masse vers la seule ville malienne ayant installé un camp de réfugiés, géré sans aucune aide de l'Etat. Ces nouveaux naufragés sont difficiles à dénombrer: "Konna n'étant qu'à 65 kilomètres de Mopti, les liens sont très forts avec les habitants d'ici, souligne Oumar Batily. Ils ne sont là que de façon temporaire et vont chez leurs proches."

 

La région compterait environ 42000 déplacés. Une situation acrobatique pour les autochtones, déjà pris à la gorge par leurs difficultés. "Fuir, de Gao à Sévaré, de Sévaré à Bamako, et puis quoi? C'est la guerre, il n'y a nulle part où aller" : Ali, taxi, est à bout de nerfs. Des centaines d'habitants de Sévaré ont quitté la ville en apprenant l'attaque. "Mais seuls les riches ont les moyens de fuir ", constate Ali. Les banques, qui avaient fermé jeudi dernier, entrouvraient peu à peu leurs guichets hier vendredi, et les fonctionnaires du Trésor ont repris leur poste. Les quelques hôtels encore ouverts, qui craignaient les pillages, raccrochent les tableaux aux murs.

 

La sécurité règne, selon les autorités

 

Les milices de Ganda Koi et du Front de libération nationale (FLN), basées à Sévaré, regardent toujours le temps passer, sans avoir eu les moyens de passer à l'action. "Certains d'entre nous ont même pleuré quand on nous a ordonné de rester au camp!", soupire Ibrahim, jeune milicien FLN.

 

Devant le poste de Sévaré, les gendarmes n'ont pas renoncé à leurs parties de belote.

 

Les autorités encouragent les populations à dénoncer à la police les " djihadistes infiltrés ". Lesquels, assure la gendarmerie de Sévaré, ont disparu. A l'en croire, la sécurité règne dorénavant. "Il fallait ratisser et sécuriser, explique le maire. La population a mis du temps à intégrer qu'il lui fallait collaborer avec les autorités, si un suspect se présentait ". " Nous ne sommes pas d'une nature méfiante, poursuit l'élu, mais naturellement très accueillants. La région de Mopti a toujours été très cosmopolite. Il nous a fallu changer ces habitudes ".

 

Mais les habitants se méfient de tout

 

Pour autant, la peur n'a pas encore disparu. Les habitants se méfient de tout, désormais: des barbus, des talibés (étudiants religieux), des mendiants venant du plateau Dogon, des femmes en niqab. Et de l'armée, dont on dit qu'elle a la gâchette un peu trop facile. "Je ne prends plus ma voiture le soir. Si je n'entends pas un militaire me demander de m'arrêter, c'est fini, il tire dans le tas", témoigne un jeune du cru.

 

La panique déclenchée par l'offensive de Konna a-t-elle poussé les habitants à dénoncer, peut-être avec un peu trop de zèle, des djihadistes présumés? Beaucoup se félicitent de s'être montrés plus solidaires que jamais ces derniers jours, s'informant les uns les autres des mouvements d'individus jugés douteux ou inconnus dans le quartier. D'autres font état de "suspects" abattus de façon arbitraire, et de zones d'exécution aux alentours de la ville.

 

L'armée et la gendarmerie nient: "Si des coups de feu ont retenti à Sévaré, il s'agissait sûrement de tirs de liesse consécutifs à la libération de la ville", soutient le chef de la gendarmerie de Sévaré. "Ici, nous n'avons pas de bourreau, insiste-t-il. Tous les suspects sont envoyés à Bamako. Nous sommes en guerre, mais dans un Etat de droit." Une, nuance toutefois :pour qu'il y ait un Etat de droit, encore faudrait-il un Etat tout court.

 

 

 

 

 

L'express

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