Le double langage de l’État

Mamadou Diop a perdu la vie lors de protestations anti Wade à Dakar
A quel jeu joue le ministère de la Justice, dans l’affaire Mamadou Diop, étudiant tué le 31 janvier 2012, à la place de l’Obélisque par un véhicule de la police appelé ‘’Dragon’’ ? L’exécutif accusé d’être à l’origine des lenteurs notées dans cette procédure a cru bon de se dédouaner. À juste raison, surtout dans un État de droit où la séparation des pouvoirs -Exécutif, Législatif et Judiciaire- figure en bonne place dans la Constitution. Donc le ministère de la Justice a le droit de nier toute idée d’immixtion dans cette affaire. Pour autant, s’il se sent obligé de communiquer sur cette affaire, il n’a pas le droit de porter de fausses informations à l’endroit de l’opinion.
En fait, à travers un communiqué, la tutelle a nié toute idée de ''mainmise du ministre de la Justice ou de ses services et qui vise non seulement à retarder un procès, mais à protéger des responsables désignés parmi lesquels Arona Sy, commissaire central de Dakar au moment de ces tragiques événements''. Pour plaider leur ''bonne foi'', les services d'Aminata Touré ont fait un état des lieux de la procédure liée à cette affaire.
Il est clairement mentionné que ''le 31 mai 2012, le Doyen des juges d’instruction a décerné des mandats de comparution à l’encontre des deux mis en cause (les deux élèves agents de police Tamsir Ousmane Thiam et Wagane Souaré). La Division des investigations criminelles (DIC) a par la suite été saisie de deux mandats d’amener dirigés contre les susnommés. La procédure en est pour le moment à ce stade de l’enquête'', écrivent clairement les services de Mimi Touré. Ce qui est en contradiction avec le document portant l’entête du Parquet du procureur de la République.
Dans ce document qui fait un état des lieux des personnes décédées durant la période de précampagne et de campagne électorale de la présidentielle 2012, plus exactement des différentes procédures liées à ces meurtres, les deux policiers font partie des mis en cause inculpés et placés sous mandat de dépôt. Or, il résulte de nos investigations que les deux policiers mis en cause n’ont encore franchi les portes d’aucune prison du pays, comme l’a si bien relevé le communiqué des services de Mimi Touré. Mieux, des sources concordantes nous renseignent que les deux limiers n’ont même pas été inculpés.
Face à cette contradiction, l’on ne peut pas s’empêcher de se demander si les autorités cherchent à brouiller l’opinion ? Quel est le rôle du chef de l’Exécutif dans ce jeu, si l’on sait que le président de la République a fait savoir au père de Mamadou Diop, qu’il a reçu en audience avec des responsables du M23 de Mbour, que les policiers ont été arrêtés ? Le Chef de l’Etat a-t-il été abusé, comme l’est du reste l’opinion ? Reste à savoir.
FATOU SY