Publié le 1 Feb 2012 - 16:25
ZONES CRIMINOGÈNES DE LA BANLIEUE

L'insécurité en permanence

 

Djeddah-Thiaroye-Kao: La Psychose

 

Nous sommes au cœur de la commune de Thiaroye Djeddah-Kao, trois bassins de rétention creusés en enfilade sur une longueur d'environ 600 mètres. En cette fin de matinée, les trois grandes crevasses se détachent de manière nette dans un décor tristounet à travers lequel se profilent les façades délabrées des maisons qui les bordent. Médina 4, Nietty Mbaar, Daroukhane 1 et 2, Djeddah, Sant Yalla sont les noms des quartiers qui entourent les trois bassins.

 

Quelques rares enfants, filets à la main, pêchent dans les bassins. De loin en loin, on aperçoit quelques rares personnes qui pressent le pas. Très peu sont les téméraires qui s'aventurent sur les lieux, dès la nuit tombée.''À partir de 23h, aucun taxi n'ose s'aventurer dans ces quartiers. Personne ne circule la nuit, ni le matin de bonne heure. Ceux qui l'ont expérimenté l'ont regretté. Même en plein jour, lorsque les lieux sont déserts, des gens se font agresser'', raconte Mike, habitant de Nietty Mbaar. Ici, nombre de maisons ont été désertées par leurs propriétaires, à cause des inondations.

 

Elles sont devenues de facto des refuges de bandits. Certaines d'entre elles offrent des points d'observation stratégiques aux malfrats qui peuvent ainsi repérer, de loin, leur cible et fondre sur elle, sans crier gare. Un coin malfamé, c'est ce que confirme Idrissa Fall lorsqu'il déclare: ''Quand on doit recevoir des visiteurs, ceux-ci s'arrêtent, le plus souvent, à la station Texaco et t’appellent de là-bas pour que tu viennes les chercher. Ils n'osent pas s'aventurer dans le quartier''. Son ras-le-bol est réel et il n'a plus envie de vivre dans la peur. ''Il faut combattre cette psychose. Il faut que cela cesse'', affirme-t-il avec force.

 

 

La réputation des quartiers Nietty Mbaar, Daroukhane 1 et 2, Djeddah, Sant Yalla n'est pas surfaite. Le crime y est omniprésent. Les habitants ont le sentiment d'être au ''bout du monde''. Ce sentiment d'abandon habite la vieille Fanta Sankharé, 61 ans. La dame vit dans la terreur. La crainte pour la vie de ses enfants. ''J'en ai assez !'', laisse-t-elle entendre.

 

Marre de côtoyer les bandits qui, la nuit, s'adonnent à des rixes qui terrorisent le voisinage. ''Il y a beaucoup de maisons habitées par des voyous qui y trafiquent de la drogue dure'', souffle-t-elle. Elle habite non loin de Nietty bunt, un repère de bars clandestins. Le quartier est un dédale de ruelles étroites. Les maisons, pour la plupart délabrées, ne paient pas de mine, d'autres sont abandonnées. Une situation que résume Étienne Lopez dit (Babacar). ''Je vis ici depuis 1962. Aujourd'hui, les bandits sont de plus en plus jeunes. À 18-19 ans, ils deviennent déjà des meurtriers et le pire dans tout cela est que tout le monde est armé'', se désole l'infirmier à la retraite.

 

 

Pikine: Agressions tous azimuts

 

Au milieu des klaxons, des vrombissements de moteurs, des va-et-vient des populations, dans cette zone de transit, Penda Diagne, vendeuse de rafraîchissements, est installée près d'une rangée de cantines. De cette position stratégique, bien qu'indisposée par l'odeur des gaz dégagés par les pots d’échappement, Penda, la trentaine, voit tout. ''Ici, à Buntu Pikine, tu vois des gens se faire agresser en plein jour et tu n'oses rien dire''.

 

Un peu plus loin, réfugiés sous une cabane, quelques individus devisent tranquillement, principalement des chauffeurs et des commerçants. Le sujet sur les agressions, crimes, vols et autres formes de violence les intéresse au plus haut point. L'inévitable ''dëkk bi amul sécurité'', revient comme un leitmotiv dans la discussion. ''S'il y a autant d'agressions et de meurtres, c'est parce que les peines sont insignifiantes. Les agresseurs sont condamnés à des peines de deux à trois mois et ils ressortent plus dangereux'', laisse entendre Modou Diouf qui, de sa voix tonitruante, assène: ''La prison doit être difficile. Mais aujourd'hui, les bandits sortent de prison bodybuildés''.

 

Son voisin préconise de les incarcérer à Kédougou si les prisons de Dakar ne peuvent plus les accueillir. Daour Fall, la barbe drue et noire dans le style Ibadou, n'y va pas par quatre chemins et propose la Charia. Chez le vendeur de journaux du coin se trouve une grosse caisse remplie de cartes nationales d'identité ''jetées par les agresseurs et pickpockets'', affirme-t-on. ''Vous voyez, déclare le sexagénaire, tout cela, c'est l’œuvre des bandits''. La caisse, paraît-il, existe depuis des années et accueille toutes les pièces perdues ou volées, puis jetées par les malfrats.

 

 

Guédiawaye Marché ''bu bees'': ''Un meurtre, tous les deux, trois jours''

 

Ndèye Khady Thiam est assise sur un banc près du cordonnier, à marché Bu bees. Elle est venue faire confectionner un talisman à son bébé qu'elle tient dans ses mains. ''Quand je me rends au marché, je rase les murs'', raconte la jeune femme d'une voix à peine audible. Ndèye vit sous la hantise de se faire agresser. ''Je n'ose même pas répondre au téléphone en pleine rue. Je marche en me demandant si on ne va pas m'attaquer''. A marché Bu Bees, explique-t-elle, ''les gens se font agresser en plein jour, sans pour autant que les témoins bougent le plus petit doigt. Ma cousine s'est fait agresser avant-hier en plein jour par deux individus. Ils l'ont giflée avant d'arracher son porte-monnaie''.

 

Des exemples de ce genre, elle en voit tous les jours et les vit au quotidien. Ses deux petits-frères, des enfants, se sont fait attaquer après un match de navétane, près du lycée Limamoulaye. ''Il était 19h. Les agresseurs ont saisi les mains du plus grand et lui ont arraché le pain qu'il était parti acheter pour le dîner du soir. Ils l'ont mangé devant eux et s'en sont allés en proférant des menaces''. Ici, personne n'ose plus se parer de ses beaux atours pour se rendre à une fête. ''On ne peut même plus organiser des manifestations jusqu'à certaines heures''.

 

Sur ces entrefaites, arrive Souleymane Bâ, chef du quartier de marché Bu Bees. Malgré ses 86 ans, le monsieur garde la pêche. ''Le pays est malade !'', déclare-t-il de but en blanc. ''Nous vivons dans l'insécurité la plus totale. Tous les deux, trois jours, tu entends un meurtre. Seuls nos dirigeants vivent en sécurité''.

 

Au sein de marché bu bees, la sérénité n'est pas de mise. Le marché compte 17 gardiens qui en assurent la sécurité. Le défaut d'éclairage, la présence des charretiers considérés comme de ''grands trafiquants de drogue'', le voisinage avec les toxicomanes, l'omniprésence des agresseurs, la proximité du bassin de rétention considéré comme un ''no man's land'', contribuent à faire du coin, l'un des plus criminogènes de la banlieue. ''Il y a quelques jours, on a retrouvé un homme mort jeté dans le bassin. C'est un repère de bandits'', indique Abdoulaye Ndiaye, délégué du marché qui révèle qu'à l'approche des élections, une enveloppe d'un million de francs Cfa a été dégagée pour le recrutement d'autres gardiens et la mise en place de grilles.

 

 

Témoignages

 

''L'histoire qui m'a le plus marqué...''

 

La mort frappe au Sénégal dans le plus grand des hasards. Une violence sourde et aveugle qui n'épargne personne. Surtout ceux qui ont la malchance d'être au mauvais endroit, au mauvais moment. Des citoyens racontent la mort de proches, d'inconnus, de citoyens lambda.

 

 

Mame Balla Loum, 35 ans, est responsable du bassin de rétention à Nietty mbaar. ''L'histoire qui m'a le plus marqué est celle d'un copain Cheikhou Amar qui a été tué entre les deux bassins en 2009 par des gens du quartier. Ils étaient plusieurs. Ils l'ont encerclé et lui ont asséné plusieurs coups de machette. Alors qu'ils étaient en train de l'agresser, il leur disait:''je vous reconnais, si je m'en sors, je vous ferai votre fête. Malheureusement, il a rendu l'âme à l'hôpital''.

 

 

Etienne Lopez dit (Babacar), 56 ans, est infirmier à la retraite et habite Nietty Mbaar. ''... il était venu courtiser une femme dans une maison d'à côté. Il était 22h, à peine. Lorsqu'il est entré dans la maison, il a été aperçu par quelqu'un qui l'a pris pour un voleur. Il a été battu à mort, bien qu'il ait déclaré être venu rendre visite à une dame qui habitait la maison. Le plus triste dans cette histoire, c'est que celle-ci n'a pas osé avouer qu'il connaissait le gars. La méprise sera connue plus tard. Son nom de famille était Lô, il avait 49 ans''.

 

 

Kémo Sarr, 31 ans, est maçon. Il habite Guédiawaye Marché Bù Bees ; '' …un jeune homme qui s'est fait agresser en plein jour au marché. Un de ses agresseurs lui a donné un coup de machette qui lui a tranché la nuque. On pouvait voir l'os du cou sectionné par la lame. Il y avait du sang partout. C'est une vision qui me revient souvent''. Abdoulaye Ndiaye est délégué à Marché Bu bees. ''… un de nos collègues a été tué sous nos yeux. Il était à peine 18h30, le bonhomme s'est présenté devant son étal. Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit, mais l'agresseur lui a planté le couteau dans la région du cœur. On a tout fait pour arrêter le sang. Le gars est mort sur le chemin de l'hôpital. J'avais les habits tout en sang''. Fanta Sankharé, 61 ans, habitante de Nietty Mbaar, ''… a été témoin de l'agression du jeune élève de Terminale Abdou Diagne, sauvagement tué devant le pas de la porte de sa maison par des agresseurs, il y a un mois''.

 

 

La police au banc des accusés

 

C'est un fait, les populations se sentent en insécurité. Les événements survenus à la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur et aujourd'hui la répression contre les manifestants à un 3e mandat du président Wade, ne sont pas pour dissiper ce sentiment.

 

Les personnes interrogées n'ont aucune confiance en la police et ne comptent pas sur elle, pour garantir leur sécurité. ''Les policiers ne font pas leur travail. Ils connaissent tous les agresseurs qui se baladent à Buntu Pikine, mais, ils les laissent faire'', se plaint Modou Diouf, chauffeur à Pikine qui s'insurge contre leur inertie. ''Des fois, affirme-t-il, tu vas les voir pour une intervention, ils te répondent:''Ce n'est pas mon problème !''. Une autre complainte revient souvent. Elle est traduite par ce commerçant. ''La vérité, dit-il, c'est que lorsque tu te fais agresser et que lu blesses ton agresseur, en cas d'enquête, c'est toi qui a des problèmes. Les gens peuvent t'agresser, mais toi tu ne peux pas riposter''. De ce fait, beaucoup de gens interrogés ne sont pas près d'intervenir en cas d'agressions ou d'attaques contre de tierces personnes.

 

 

Toutefois, certains citoyens soulignent le dénuement de la police. ''La police n'a pas de personnels. Ils invoquent toujours aussi des problèmes de logistique, en cas d'alerte'', souligne Etienne Lopez. Pour pallier ce déficit, les populations de la banlieue veulent des commissariats de police de proximité car, ''dans la banlieue, la population est dense et les gens n'ont peur de rien'', renchérit Saliou Samb.

 

 

PORTRAIT

 

 

Michel Sylva dit ''Mike''

 

En croisade contre le banditisme

''On ne veut pas vivre comme des bandits''. Face à la criminalité omniprésente, aux vicissitudes de la vie, beaucoup de personnes ont abandonné Nietty Mbaar, ce qui n'est pas le cas de Michel Sylva, dit ''Mike''. Guidé par ''la nécessité de dénoncer'', le jeune étudiant en première année de la Fac de Droit à l'Ucad a décidé de se battre pour '' la sécurisation de son quartier'', au péril de sa vie. ''En partant en croisade contre les bandits de mon quartier, je m'expose'', confesse-t-il. Qu'à cela ne tienne, le jeune homme est déterminé à aller au bout de ce sacerdoce.

 

 

Enfant de la banlieue, Mike, du haut de ses 28 ans, est convaincu que le seul moyen de mettre fin au banditisme est d'offrir aux jeunes une alternative au désœuvrement. Car, autrement les jeunes seront toujours enclins à ''expérimenter la drogue et à verser dans le banditisme''.

 

Le jeune étudiant est convaincu qu'il faut créer ''une émulation'' dans un cadre formatif. Et ainsi ''sortir les jeunes du carcan des navétanes et de la lutte qui ne font qu'attiser la haine entre les gens et leur inculquer la culture de la violence. J'ai arrêté de suivre les navétanes à cause de celle-ci. En 1996, il y avait une bataille rangée à l'issue d'un match de navétane entre Gouye-Gui et Nietty Mbaar. Un enfant a reçu un coup de pelle qui lui a ouvert le crâne en deux. Depuis lors, j'ai arrêté de suivre les Navétanes. Parce que je n'ai peur de rien et je ne peux pas supporter certaines injustices. J'ai renoncé à cette violence''.

 

 

''Créer une agence de sécurité de la banlieue''

 

Aujourd'hui, étudiant à la Faculté de Droit de l'Ucad, Mike peut s'estimer chanceux. Car, le chemin a été long et cahoteux pour parvenir à décrocher le bac en 2011. Il a arrêté l'école en classe de CM2 et travaillé dans le bâtiment pendant deux années avant de reprendre les études, aidé par l'AEMO (Action éducative en milieu ouvert). Toutefois, il tombe gravement malade et reste paralysé pendant deux ans.

 

''Je le portais'', témoigne son grand-frère qui voit dans la guérison de jeune frère ''le miracle de Dieu''. Après avoir recouvré l'usage de ses jambes, il obtient son Bac au Lycée Blaise Diagne de Dakar où, grâce à son activisme, il est investi président du Foyer.

 

Aujourd'hui, son engagement en bandoulière, il veut mettre fin au banditisme dans la banlieue, ou du moins dans sa commune Djeddah-Thiaroye-Kao. Une gageure ? Peut-être. Mais, lui, croit que c'est possible. À la tête de l'association ''Taxawu sa gox'', le jeune homme travaille à la mise en place d'un comité de vigilance et peut compter sur l'enthousiasme des habitants de son quartier.

 

Une première expérience, pourtant concluante, avait tourné court faute de moyens. Cette fois-ci, la mairie et la police sont prêtes à accompagner le projet. ''Le commissaire Hamadi Baldé de Thiaroye est prêt à collaborer avec nous'', déclare-t-il. À terme, l'objectif est de mettre en place une agence de sécurité de la banlieue.

 

 

Entretien avec Souleymane Ndiaye, docteur en criminologie

 

 

''L'impunité dans l'État entraîne l'anarchie''

 

Que ce soit l'affaire Barthélémy Dias, le meurtre de Ndèye Sokhna Lo à Keur Massar, ou encore les événements de Fanaye, on a l'impression d'assister à une explosion de violences dans le pays. Quelle lecture en faites-vous ?

 

Pour les crimes qui sont commis çà et là, il est difficile de donner une règle générale, parce qu'il faudrait en termes étiologiques déterminer l'objet. Mais, on peut dans une société, quand, il y a une évolution de la criminalité, essayer de voir quels sont les facteurs criminogènes. Si on prend ce qui s'est passé à Sangalkam ou à Fanaye, on peut dire que cela tient à un changement du système social.

 

Le sociologue Durkheim, en parlant du suicide dans les sociétés industrielles, a pu montrer que, quand il y a un bouleversement social, celui-ci a une action fondamentale sur la criminalité.

 

Ici, il s'agit de découpages administratifs subites. C'est pourquoi, en sociologie, on recommande à chaque fois qu'une modification importante de la structure sociale doit intervenir, d'atténuer les résistances. Il fallait discuter avec les populations, leur montrer que c'est dans leur intérêt. Mais la manière dont cela a été fait a entraîné les populations à soupçonner un intérêt politique.

 

 

Et pour Mermoz-Sacré-Coeur et Keur Massar ?

 

Maintenant, concernant ce qui s'est passé à Mermoz-Sacré-Cœur et un peu ailleurs, il y a l'espoir de l'impunité. Parce qu'en Droit pénal, il y a la morale de l'utilitarisme. Ce concept a été formalisé par Feuerbach. Cette théorie dit que le malfaiteur, avant d'agir, fait la part entre le plaisir et l'intérêt que l'acte criminel va lui apporter et la peine qu'il risque d’encourir.

 

Pour être dissuadé, il faut qu'il arrive à comprendre que la peine encourue est supérieure au plaisir qu'il pourrait tirer de son acte criminel. D'où la formule lapidaire : ''À qui profite le crime ?'' Si ceux qui sont allés chez Barthélémy Dias étaient convaincus que les 10 000 francs reçus allaient leur coûter leur liberté inévitablement, ils n'y seraient pas allés. Alors l'impunité dans l'État entraîne l'anarchie. Je dis l'État en me référant à l'article 2 de la déclaration des droits de l'Homme qui dit : ''Le but de toute association publique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme''.

 

Il y a là, la notion de sûreté qui a donné le concept de sûreté nationale. La sûreté recouvre l'ensemble des protections individuelles et collectives que chaque citoyen est en droit d'attendre de l'État qui doit veiller à la sécurité des populations. C'est une obligation. Sinon, cela conduit à ce que prévoit l'article 2 de la déclaration des droits de l'Homme: La résistance. Donc, j'ai été étonné d'entendre l'autorité dire que seul l'État peut utiliser la violence. Heureusement qu'il a ajouté ''la violence légale''. Par ailleurs, il y a la violence admise par la loi. C'est la légitime défense, c'est l'état de nécessité.

 

 

Vous parlez d'impunité, d'anarchie, de peines dissuasives. Les populations s'insurgent contre les peines minimes infligées aux bandits qui ressortent de prison deux mois plus tard plus dangereux. Elles n'osent plus dénoncer les bandits et surtout déplorent le manque de célérité dans les interventions de police. Elles ne se sentent pas en sécurité. Comment voyez-vous cet imbroglio?

 

Je comprends cela, parce que la police n'a pas de don d’ubiquité. Il y a aussi un problème de logistique. Mais, il y a deux facteurs qu'il faut essayer d'analyser, prévus par Karl Marx. Le premier, c'est la pauvreté qui est un facteur de révolte, de frustration. Surtout dans un pays où on parle souvent de patrimonialité du pouvoir.

 

À côté de cela, il y a à Dakar des gens qui ne parviennent pas à assurer les trois repas. Alors que d'autres, à quelques encablures, vivent dans l'opulence. Cela crée une frustration qui conduit certains à faire ''justice'' à leur juste mérite. C'est un facteur criminogène.

 

 

Il y a aujourd'hui l'explosion démographique, la perte de repères, la drogue et les crimes...

 

Oui, la perte de repères provient du changement de système social. Avec l'indépendance, la criminalité s'est développée et s'est diversifiée, tout simplement parce que l'assiette des besoins s'est élargie. Par exemple, les jeunes de 20 ans d'aujourd'hui ont une assiette de besoins extrêmement plus vaste que celle des jeunes de 1950 qui ne pensaient même pas à une voiture ou un scooter. Voilà le problème.

 

 

La drogue, elle est surtout dangereuse dans les milieux défavorisés. Elle y est utilisée comme des valeurs refuges. Ce sont en général des jeunes désespérés qui s'y adonnent. Elle est extrêmement dangereuse pour quelqu'un qui n'a pas les moyens de se la procurer à temps. Parce que, quand l'individu est en manque, il devient dangereux. Une histoire. Quand j'étais chargé de la sécurité du port, du môle 1 au môle 8, j'avais un gendarme, c'était le géant du groupe.

 

Un dimanche après-midi, il était au môle 8 avec son ceinturon blanc et son pistolet. Alors, un drogué qui s'amène, le regarde et puis d'un coup s'exclame :''Way yow! gel bi moo nice'' (Mais dis moi! quelle jolie fille!). Et il l'a enlacé. Vous voyez là jusqu'où peut aller un drogué. Alors, lorsque vous voyez approcher un drogué, il faut s'en méfier. Parce que ce qu'il voit lui, ce n'est pas ce que vous voyez. Bien sûr, il s'est retrouvé au gnouf.

 

 

Gaston COLY

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