Tous au nom de la solidarité et de l’union
La manifestation d’hier des professionnels de la presse a connu la participation de l’Union de la presse francophone, Reporters sans frontières, Amnesty International, la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS/FC), de syndicats d’enseignants, du mouvement Y en a marre, d’un ancien ministre de la Communication... Un cocktail qui a donné lieu à des messages forts. ‘’EnQuête’’ vous en rapporte quelques-uns.
LEADER FRAPP/FRANCE DEGAGE, GUY MARIUS SAGNA : ‘’C’était une obligation pour nous d’être là’’
‘’On a tendance à oublier que les journalistes sont eux aussi des travailleurs, qu’ils sont victimes d’agressions et de problèmes de salaires. Une presse exposée à la corruption. Ce sont des pères de famille qui ont des droits, mais qui sont souvent confrontés à des violences policières ou civiles. Nous sommes là pour nous battre avec eux, pour le respect de leurs droits syndicaux. Si ces plaintes perdurent, je crains que le régime de Macky Sall ne rende le tablier lors des élections locales et législatives.’’
MAIMOUNA NDOUR FAYE, PATRONNE DE PRESSE : ‘’Nous avons un ministre qui ne calcule pas les membres de la corporation’’
‘’Nous sommes restés dignes pendant la crise. Vous n’avez pas entendu de licenciements dans les entreprises de presse. Pourtant, il y en a eu dans plusieurs autres. Je ne suis pas d’accord avec le discours de Birahime Seck. Que ces forces sociales qui souhaitent nous accompagner arrêtent de nous opposer les uns aux autres. Le journaliste et le patron de presse sont embarqués dans la même galère. Nous avons traversé une année de Covid-19 très difficile. Mais qui se demande comment les patrons de presse ont fait pour faire face aux charges ? Comment est-ce qu’ils ont fait pour qu’il n’y ait pas d’arriérés de salaire ? C’était un sacrifice qu’on devait faire et on l’a fait.
Ces mesures d’accompagnement telles que l’allègement fiscal dont on parle, ont servi à prendre en charge certaines dépenses, mais les dépenses de fonctionnement sont extrêmement lourdes et nous n’avons pas été accompagnés. Celui qui veut nous aider doit interpeller l’Etat du Sénégal, car nous faisons partie du service public. On est dans le domaine de l’information, donc pas tout le temps motivé par le profit. On perd quotidiennement de l’argent pour informer les Sénégalais. Nous ne sommes pas comme les autres entreprises qui font normalement des profits. Qu’on en finisse avec ce discours ! Je ne suis pas d’accord. Nous sommes un, dans le même bateau. Aujourd’hui, on devait parler d’unité d’action pour interpeller l’Etat contre ceux qui nous menacent. Le ministère de la Culture a donné aux acteurs de la culture de l’argent, mais pas à nous.
C’est le moment de parler avec nos employés et les sensibiliser sur les enjeux et difficultés économiques qu’on vit, parce que si vous saviez ce qu’il en est réellement, il y a des discours que vous ne tiendrez pas. Il y a certes une part de vérité dans ce que vous dénoncez, mais on va développer cela hors caméras. Ce n’est pas le lieu adéquat pour le faire. Travaillons au nom de l’éthique et de la déontologie. Travaillons pour le peuple sénégalais. Je ne suis pas avec ceux qui disent que les patrons de presse intimident les journalistes. Celui qui ne veut pas faire un travail n’a qu’à invoquer sa clause de conscience ; c’est un faux problème. Je vous appelle à l’union. Le combat, c’est la lutte contre la précarité des entreprises de presse, contre la précarité des journalistes. On est coupables et capables de beaucoup de choses certes et des efforts s’imposent, mais ces efforts, on doit les faire ensemble. Nous avons un ministre qui ne calcule pas les membres de la corporation. Il pense que son poste est seulement dédié à la culture. Il devait être là aujourd’hui.’’
SG DU SYNPICS, BAMBA KASSE : ‘’Prenez conscience de votre valeur’’
‘’Beaucoup, dans ce pays, ne nous respectent pas aujourd’hui. On veut que vous sachiez votre valeur, votre force pour pouvoir prendre vos responsabilités. Aucun parmi nous ne doit être spectateur de l’humiliation ou de l’injustice que subit un confrère. Médias, journalistes, patrons, techniciens, tous, nous sommes une même famille. Marchons et luttons ensemble. Mais quand les fruits arrivent, pensons à ceux qui sont en dessous de la chaîne. Aujourd’hui, nous réclamons une nouvelle loi sur la publicité qui permettra d’aider les médias privés, mais que cet argent ne se retrouve pas dans la poche des patrons de presse. Nous demandons une loi d’accès universel à l’information. Le journaliste doit pouvoir avoir accès aux documents dont il a besoin pour son travail. On ne peut pas continuer à être des journalistes de comptes rendus, de salons, de séminaires ou d’ateliers. Nous exigeons une loi pour la création de la Haute autorité de régulation de la communication audiovisuelle à la place du CNRA, car il faut qu’on ait un média de régulation fort qui tape même sur les médias publics, s’il le faut. Ceux qui ont des responsabilités doivent s’asseoir avec leurs travailleurs et discuter des voies et moyens pour permettre à leur entreprise de capter beaucoup plus de ressources et de pouvoir améliorer les conditions de travail. On ne peut pas vouloir se battre et mettre des barrières entre nous. Faisons aujourd’hui le serment qu’on ne va plus nous pointer du doigt pour n’avoir pas fait correctement notre travail. Ce que nous voulions, c’est que les jeunes rencontrent les anciens, parce que ce sont eux qui seront là demain pour prendre le relais.’’
MBAYE SENE, PRESIDENT ANPS : ‘’Respectez-nous’’
‘’Il faudrait qu’on soit solidaire. Tout le monde connaît la précarité qui sévit dans le secteur de la presse. On souffre pour couvrir les événements et pour rentrer, c’est tout un problème. On a dû mal à rentrer chez nous, le transport est un casse-tête. On livre les reporters à eux-mêmes et ils se débrouillent. Cela doit prendre fin. Les retards des salaires doivent cesser. Chers patrons de presse, si aujourd’hui vous êtes à un certain niveau, vous le devez à vos reporters ; c’est grâce à votre personnel. Nous rencontrons toutes sortes de difficultés pour vous produire un travail de qualité. Il faut respecter les journalistes.’’
OUSMANE DIENG, REPRESENTANT DU MINISTRE DE LA COMMUNICATION : ‘’Nul ne peut douter de la liberté de la presse au Sénégal’’
‘’Nous n’avons pas attendu le 3 mai, car, pratiquement, à chaque Conseil des ministres, la question de la presse est évoquée. L’heure n’est plus aux discours, mais aux actes. Une quinzaine de réformes est engagée actuellement. Nul ne peut douter de la liberté de la presse au Sénégal, même si, par moments, on peut noter quelques dysfonctionnements. Le Sénégal compte 19 chaînes de télévision dont 17 privées où tous les tons sont permis ; plus de 200 sites d’information, 350 radios à travers le pays, plus de 24 quotidiens. Mais la réalité est qu’économiquement, c’est difficilement tenable. Cela parce que nous avons un secteur qui a ouvert ses portes à tout le monde, raison pour laquelle on veut l’assainir par la carte nationale de presse délivrée par les acteurs eux-mêmes. Elle est numérisée et sécurisée. Les lenteurs quant à la disponibilité du Fonds d’appui au développement de la presse ne sont pas de notre faute. Certaines entreprises n’ont toujours pas indiqué les représentants qui devront siéger au comité de gestion de ce fonds. L’autre réforme concerne l’assainissement des écoles de formation. Aujourd’hui, les Tic ont accéléré les dérives que nous voyons. Personne ne peut remettre en cause la liberté de la presse. Au Sénégal, nous avons une tradition démocratique et la presse a un rôle à jouer dans la consolidation de la démocratie. Nous allons donner les moyens à ceux qui respectent la Convention collective et qui travaillent correctement.’’
VICE-PRESIDENT DE L’ASSOCIATION NATIONALE DES CAMERAMEN PROFESSIONNELS DU SENEGAL, PAPE DOUDOU BOYE : ‘’Nous nous adressons à Bougane Guèye...’’
‘’Nous en avons marre de cette précarité ! Je parle au nom de tous les cameramen, car il y en a parmi nous qui ne peuvent pas s’exprimer ici, au risque de se faire virer. C’est cela la réalité, osons le dire. Il y en a parmi nous qui réparent les caméras avec leur propre argent. Aucun patron de presse ne doit vous empêcher de vous exprimer. Notre métier est noble. Où sont les patrons de presse ? Ils devraient être là aujourd’hui. Nous nous adressons à un patron de presse en particulier : Bougane Guèye Dany. Des cadreurs qui sont des pères de famille travaillent dans son entreprise à D-media depuis 2013, sans contrat. C’est en 2017 qu’il a commencé à proposer des contrats. Quatre ans après, il veut les ramener au stade de prestataires. A un moment donné, il faut arrêter. Nous devons nous faire respecter. Nous dénonçons les licenciements abusifs à la Sen TV dont ceux de quatre cameramen.’’
E. M. FAYE