A quel jeu joue Moustapha Niasse ?
Étant donné que la loi en vigueur n'exige qu'au président de la République de faire sa déclaration de patrimoine, le président de l'Assemblée nationale Moustapha Niasse ''savait d'avance'' que le Conseil constitutionnel, en l'état actuel des dispositions légales, est incompétent pour recevoir ce document.
''En déposant sa déclaration de patrimoine au Conseil constitutionnel, le président de l'Assemblée nationale Moustapha Niasse savait pertinemment qu'elle allait être rejetée''. Selon le porte-parole du Forum civil, Birahim Seck, ''Moustapha Niasse savait que la loi du 22 décembre 2012 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques devait être complétée par une autre loi spécifique qui fixe les modalités et les conditions de la déclaration de patrimoine''.
Dans une déclaration largement médiatisée avant-hier, la deuxième personnalité de l'État du Sénégal annonçait le dépôt de la liste de ses biens auprès du président du Conseil constitutionnel. Mais les juges politiques ont jugé nécessaire d'attendre le vote du projet de loi spécifique complétant la loi sur le Code transparence déjà adoptée par l'Assemblée nationale. Dans la même veine, il a semblé vouloir transférer la pression exercée par le président de la République sur le Premier ministre qu'il a invité à accélérer les procédures au niveau du gouvernement pour l'envoi à l'Assemblée nationale de la loi complétant celle du 22 décembre 2012.
Pour le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), Moustapha Diakhaté, ''non seulement Moustapha Niasse n'est pas pour le moment concerné par la déclaration de patrimoine, mais il n'avait pas à s'adresser au chef du gouvernement de cette manière», étant donné que ''nous sommes dans le cadre d'un régime de séparation de pouvoirs''. De ce fait, dès lors que ''le gouvernement décide d'amener un projet de loi à l'Assemblée nationale, ça devient une affaire de l'Exécutif''.
A ce propos d'ailleurs, soutient Birahim Seck, ''au lieu de transférer la préparation de la loi spécifique au Premier ministre, Moustapha Niasse lui-même en tant que député, avait la faculté de faire une proposition de loi et de l'amener devant l'Assemblée nationale''. Au vu de la loi en vigueur, ''seul le président de la République est tenu de faire la déclaration de patrimoine'', d'après le président du groupe parlementaire BBY. Ainsi, ''le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour recevoir sa déclaration de patrimoine parce qu'il n'est pas concerné''. Pour autant, ''rien ne l'empêchait de faire sa déclaration de patrimoine devant un jury d'honneur comme l'avait fait le maire socialiste Khalifa Sall'', estime Moustapha Diakhaté.
Avec ce projet de loi en gestation, le président de la République Macky Sall, qui a opté pour «une gouvernance vertueuse» des affaires de l'État, veut élargir la déclaration de patrimoine à tous les agents publics, qu'ils soient maires, députés, directeurs nationaux de société, ministres, et autres détenteurs de pouvoirs publics. ''Cette loi, une fois votée et promulguée, tous les agents publics seront tenus de procéder à la déclaration de patrimoine'', rappelle Moustapha Diakhaté. Lequel promet d'ailleurs son vote «pour bientôt», sans dissidence au niveau du groupe parlementaire BBY. ''Il y va de l'intérêt de la mouvance présidentielle'', indique le patron du groupe majoritaire. ''Quand on entre en fonction publique, on doit faire sa déclaration de patrimoine, mais on doit aussi le faire quand on en sort», insiste-t-il.
«Une loi contre les conflits d'intérêts»
Revenant sur l'objectif principal de ce projet de loi, Moustapha Diakhaté soutient que ''cela va participer à amener les fonctionnaires de l'État, les élus locaux, les élus nationaux à être vertueux dans leur gestion''. ''C'est vraiment un des aspects de la matérialisation concrète de la gouvernance vertueuse dont parle le président Macky Sall'', s'enorgueillit-il. Avant d'ajouter : ''On a réactivé la Crei, voté le Code de transparence dans la gestion des finances publiques, voté l'Ofnac contre la fraude et mis en place un ministère chargé de la Bonne gouvernance pour instaurer dans ce pays la gouvernance vertueuse''. Toutefois, Diakhaté juge utile aujourd'hui d'aller plus loin, en mettant en œuvre un dispositif légal pour lutter contre les conflits d'intérêts, un phénomène d'accointance entre politiciens et affairistes extrêmement dangereux pour la bonne marche du pays. ''Il y a des gens qui sont des députés dans cette Assemblée nationale et qui défendent des intérêts de lobbies'', dénonce-t-il avec force.
«Consolider la croissance économique»
Dans un souci d'accélérer et de consolider la croissance économique du pays qui exige une amélioration soutenue de la qualité de la gestion des finances publiques, l'Assemblée nationale sénégalaise a adopté le 18 décembre 2012 le Code de transparence dans la gestion des finances publiques. Édicté par l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), ce code tend à instaurer «une gestion transparente, efficace et économe des ressources financières publiques dans l'espace communautaire». A cette fin, il repose sur un dispositif légal et réglementaire qui décrit la procédure d'élaboration et d'exécution du budget et la forte implication des organes délibérant dans le processus d'identification des orientations budgétaire de l'État, des collectivités locales, des établissements publics ou des autres organismes décentralisés. Il s'appuie sur «le contrôle effectif de l'exécution du budget par les organes délibérants et la reddition régulière des comptes par les organes exécutifs, la formulation de règles transparentes régissant la passation des marchés publics, les délégations de services publics et les partenariats public-privé et sur l'information complète et régulière des citoyens sur les choix budgétaires».
Dans l'exposé des motifs ayant précédé le vote de cette loi, il est noté que ''les dispositions de l'alinéa premier de cette loi s'appliquent notamment à la préparation et l'adoption des lois de finances, au règlement général de la comptabilité publique, au plan comptable de l'État''. Mais aussi à la nomenclature budgétaire de l'État et à la nomenclature budgétaire des collectivités locales''. Les compétences et responsabilités respectives du gouvernement et de l'Assemblée nationale en matière de conduite de la politique budgétaire, de choix des dépenses et des recettes publiques, y sont clairement décrites. Cette loi partage les rôles et les responsabilités respectifs du ministre chargé des finances, des autres ministres et du chef du gouvernement.
ASSANE MBAYE
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